Festival de Dinard 2025 - RENCONTRE AVEC TWIGGY – « Ma carrière a été faite de merveilleux coups de chance »
© Studio Soho Distribution
Mannequin des sixties au maquillage mythique, actrice auréolée de deux Golden Globes pour sa performance dans The Boy Friend (1971), chanteuse aux six albums… Twiggy et sa vie bien remplie se redécouvre grâce au documentaire de Sadie Frost, Twiggy. De passage au Festival du film britannique et irlandais de Dinard pour le présenter, l'icône du Swinging London nous a accordé une interview.
Comment avez-vous rencontré Sadie Frost ? Et comment vous a-t-elle présenté son projet de documentaire ?
Je connais Sadie depuis une vingtaine d’années. Nous nous sommes rencontrées à quelques occasions, lors de fêtes. Puis, pendant le covid, j’ai commencé mon podcast « Tea with Twiggy » où j’invite des personnalités qui m'intéressent. Sadie est venue y présenter son superbe documentaire, Quant (2021), sur la vie de la styliste Mary Quant [qui a notamment participé à la création de la minijupe dans les années 1960, ndlr]. À la fin de l’entretien, je lui ai demandé quels étaient ses prochains projets. Elle m’a répondu qu’elle voulait continuer à faire des documentaires sur les sixties. C’est une période qu’elle adore, car comme elle est plus jeune que moi, elle ne l’a pas vraiment vécue ! Et d’un coup, l’idée lui est venue. Elle s’est exclamée : « Mais c’est sur toi que je devrais faire mon film ! »
J’ai pris mon temps pour y réfléchir. Ces trentes dernières années, j’ai eu beaucoup de propositions de ce genre et je les ai toutes refusées, car je n’aimais pas l’angle qu’on me présentait. Mais Sadie a aussi été mannequin, actrice et styliste, tout comme moi. Elle comprenait mon expérience, notamment le fait d’avoir été connue très jeune. Nous en avons parlé pendant trois ans. Pendant ce temps, nous sommes devenues très proches et le projet a fini par aboutir.
Le documentaire montre plusieurs aspects de votre carrière. Si vous deviez choisir, quelle définition vous plaît le mieux : « Twiggy, la modèle aux paupières bleutées », « Twiggy, celle qui a rendu la minijupe célèbre » ou « Twiggy, l’actrice de The Boy Friend » ?
Elles représentent toutes ce que je suis ! Mais si je devais en choisir une, je dirais : « Twiggy, l’actrice de The Boy Friend » [comédie musicale, jouée au théâtre et adaptée en film, dans laquelle une jeune régisseuse incarnée par Twiggy remplace la vedette d’un musical et connaît la gloire, ndlr]. Jouer à Broadway est peut-être l’une des choses les plus difficiles que j’aie faites et dont je suis le plus fière. Je ne remercierais jamais assez Ken Russel de m’avoir donné cette chance. Je n’avais jamais pensé à monter sur scène, tout comme je n’avais jamais pensé à devenir mannequin, à vrai dire… En réalité, ma carrière a été faite de merveilleux coups de chance !
Durant les années 1960, vous avez souvent été présentée comme l’incarnation de la libération sexuelle du Swinging London. Est-ce que vous en étiez consciente à cette époque ?
En 1966, tout est allé tellement vite. J’étais à l’école comme toutes les filles de mon âge et d’un coup, je me suis retrouvée à Paris, puis à New York avec la directrice de Vogue, Diana Vreeland. Quand elle m’a prise sous son aile, ma carrière est devenue internationale. J’étais si jeune, je ne me rendais pas forcément compte de l’image que je renvoyais. Je restais simplement moi-même. À l’époque, les gens s’étonnaient de ma façon de jouer avec le genre, en mettant des habits considérés comme masculins [des pantalons et des vestes de costumes larges par exemple, ndlr]. Mais c’est simplement la façon dont j’aime m’habiller !
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Une archive montrée dans le documentaire est devenue assez célèbre sur Instagram. C’est une interview de vous réalisée par Woody Allen en 1967 et dans laquelle il tente de vous poser une colle en vous demandant quels sont vos philosophes préférés. D’abord gênée, vous finissez par lui retourner la question et – surprise ! – lui non plus n’est pas capable d’en citer un seul. Son comportement peut être qualifié d’assez paternaliste et moqueur… Qu’en avez-vous pensé à l’époque ? Est-ce un comportement que vous avez retrouvé chez les photographes et réalisateurs avec qui vous avez travaillé ?
La plupart des photographes avec qui j’ai travaillé étaient vraiment gentils avec moi. J’étais très jeune et eux avaient entre trente et cinquante ans, alors ils mettaient un point d’honneur à se conduire comme des gentlemen. Je pense qu’ils voulaient me protéger. Après, en ce qui concerne les interviews, j’étais habituée aux questions rasoir de l’époque : « Comment vous vous appelez ? » « Qu’est-ce que vous mangez ? » ou encore « Que pensez-vous de New-York ? » Alors, quand je me suis assise face à Woody Allen et qu’il m’a posé la question « Quels sont vos philosophes favoris ? », j’étais très embarrassée. Et il faut savoir que l’interview était enregistrée devant un public ! Quand je lui ai retourné la question, ce n’était pas pour le piéger, je voulais simplement qu’il m’aide. Je le suppliais avec mes grands yeux. Maintenant, quand je regarde cet extrait, je me rends compte à quel point c’était horrible de faire cela à la gamine que j’étais. Il voulait vraiment me faire passer pour une imbécile.
Vous faites encore partie de l’industrie de la mode et du cinéma. Comment pourriez-vous décrire son évolution, entre les sixties et aujourd’hui ?
Tout a tellement changé ! Mais je ne pourrais pas vraiment faire de comparaison précise. Je ne sais pas ce que c’est que d’être mannequin maintenant, même si je continue d’exercer cette fonction de temps en temps. J’ai simplement l’impression que c’est plus compétitif aujourd’hui que cela ne l’était avant.
Cela étant, je dois bien dire que je ne pense pas beaucoup au passé. Tout le monde me parle des sixties, mais je n’y pense jamais. J’apprécie le moment présent avec ma famille et je réfléchis surtout à mes projets. Je ne veux vraiment pas arrêter de travailler.
Justement, quels sont vos projets ?
J’ai trois projets en cours, mais je n’ai pas le droit de vous en parler, car ce n’est pas encore officiel. Quoique… Je peux vous en annoncer un ! Je travaille sur un album avec une chanteuse que j’aime beaucoup, Amy Wadge. Pour l’instant, nous avons enregistré quatre chansons.
Je suis tellement heureuse de pouvoir travailler avec elle ! D’ailleurs, nous nous sommes rencontrées car je disais souvent que j’étais une grande fan. C’est arrivé jusqu’à ses oreilles et sa manager m’a contactée. J’ai pu l’inviter sur mon podcast et les choses se sont faites !
Puisque votre regard se tourne vers l’avenir et non vers le passé, êtes-vous parfois fatiguée d’être appelée « Twiggy », ce surnom qui vous a été donné dans les années 1960 ?
Absolument pas. C’est mon nom ! Personne ne m’appelle Lesley. Puis, il faut bien dire que ce surnom m’a porté chance. Sincèrement, je pense que si ce premier article de presse paru sur moi, titré « The Face of 66’ : Twiggy », m’avait nommée autrement, je n'aurais pas connu un tel succès.
Vous êtes aussi une grande cinéphile. Quels sont vos films favoris en ce moment ?
L’un des meilleurs films que j’ai vus ces dernières années : Il reste encore demain [à propos des violences conjugales et de la première fois que les femmes italiennes ont pu user de leur droit de vote en 1946, ndlr]. La réalisatrice et actrice principale, Paola Cortellesi, est absolument brillante ! Je pourrais aussi citer Conclave d’Edward Berger et la performance sidérante de Ralph Fiennes.
Après, l’un de mes films favoris restera Mort à Venise de Luchino Visconti (1971), mais ça ne nous rajeunit pas !
Propos recueillis par Enora Abry
Twiggy
Réalisé par Sadie Frost
Avec Twiggy , Dustin Hoffman, Brooke Shields, Paul McCartney
Une plongée intime et magistrale sur la naissance d'une icône et tout ce qui en a découlé. Un regard sur la vie du plus grand mannequin de tous les temps. Avec des contributions de Dustin Hoffman, Paul McCartney, Charlotte Tilbury, Joanna Lumley et bien d'autres, Twiggy raconte l'enfance, la carrière, les relations et tout ce qui a fait de la mannequin la femme qu'elle est aujourd'hui. C'est la première fois que cette icône raconte son histoire.
En salles prochainement.