LES BRAISES – Thomas Kruithof

© Wild Bunch Distribution

Face au mépris

En suivant le combat de Karine (Virginie Efira) au sein des Gilets jaunes, Thomas Kruithof parvient à capturer avec sincérité l’importance de « faire corps » pour contrer le mépris social et retrouver, dans la lutte, un nouveau souffle et une certaine dignité.

Les écrans de cinéma de novembre 2025 verront défiler beaucoup de Gilets jaunes. Dans le prochain film de Dominik Moll, Dossier 137 (en salles le 19 novembre), nous suivrons Léa Drucker dans le costume d’une enquêtrice de l’IGPN tentant de faire condamner les violences policières commises envers des manifestants. Chez Thomas Kruithof dans Les Braises, ce sont ces militants que nous suivons, dès leurs débuts, à travers le parcours de Karine. Mariée depuis vingt ans à Jimmy (incarné par Arieh Worthalter) et mère de deux enfants, elle partage ses semaines entre sa maison à rénover et son emploi dans une usine d’agroalimentaire. Si cette routine, pourtant éreintante, lui convient, tout vacille lorsqu’elle se rend pour la première fois à un rassemblement de Gilets jaunes. Cette première introduction vaut d’ailleurs le coup d’œil : en quelques plans de caméra bien choisis, Thomas Kruithof arrive à retranscrire l’émotion de Karine à son arrivée dans ce collectif, son impression immédiate de se trouver à l’endroit où elle doit être. Tout le film est ficelé (et conserve sa justesse) par ce sentiment d’appartenance profonde et cette impression de reconnaissance par ses pairs.

Si Karine mène une vie de famille heureuse, elle subit le mépris (à peine voilé) des dirigeants de son entreprise. Rejoindre le collectif, puis faire partie de sa tête pensante à l’échelle de sa localité, est un moyen non seulement de trouver un sens mais aussi d’être vue et reconnue. « Sur le rond-point, je discute, je lis, j’apprends », décrit-elle à son mari qui, au fur et à mesure, finit par s’opposer à son engagement. C’est aussi dans cette opposition que réside la finesse du scénario de Thomas Kruithof et Jean-Baptiste Delafon. Pour Jimmy, ne pas se ranger aux côtés de sa femme lui permet de conserver l’illusion qu’il ne subit pas ces injustices, qu’en tant que dirigeant de petite entreprise, il ne fait pas partie de ceux qui se plaignent mais de ceux qui agissent, avant de se rendre compte que sa carrière aussi peut être brisée par des plus puissants en un claquement de doigts… De même, si sa femme se fait arrêter, leur équilibre familial précaire explose. En d’autres termes : ils ne sont pas censés avoir les moyens ou le temps de s’opposer au pouvoir en place.

Sans verser dans le misérabilisme et sans passer sous silence certaines violences commises par le mouvement des Gilets jaunes, Thomas Kruithof parvient à construire un récit tout en nuances, et qui n’a pas besoin d’aller chercher dans le spectaculaire pour trouver son rythme et convaincre de la force de son propos.

ENORA ABRY

Les Braises

Réalisé par Thomas Kruithof

Avec Virginie Efira, Arieh Worthalter, Mama Prassinos

Karine et Jimmy forment un couple uni, toujours très amoureux après vingt ans de vie commune et deux enfants. Elle travaille dans une usine ; lui, chauffeur routier, s’acharne à faire grandir sa petite entreprise. Quand surgit le mouvement des Gilets Jaunes, Karine est emportée par la force du collectif, la colère, l’espoir d’un changement. Mais à mesure que son engagement grandit, l’équilibre du couple vacille.

En salles le 5 novembre 2025.

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