Cannes 2025 - LA OLA - Sebastián Lelio
© Diego Araya
Flop Music
Présentée en sélection Cannes Première, cette exploration musicale des révoltes féministes étudiantes au Chili se prend les pieds dans tous les tapis, celui du genre comme celui du propos.
Si l’intégralité de La Ola avait ressemblé à ses deux séquences d’ouverture, sûrement aurions-nous tenu là un très grand film. La première se déroule dans une boîte de nuit, avec le rapprochement d’un homme et d’une femme sous les néons criards. Le beat au bout des pieds, les voilà qui s’enlacent en ombres chinoises sur un jeu de lumière vraiment réussi. On les suivra jusqu’à sa chambre à lui, en les abandonnant sur le pas de la porte. Changement de décor ensuite, direction l’université. Julia, la jeune femme de la veille au soir, retrouve Max, son amant d’une nuit, dans une salle de cours. Elle apprend le chant, il est assistant de la professeure. Soudain, une clameur. Dans la cour de l’établissement, la révolte gronde. Plusieurs étudiantes ont préparé un happening pour dénoncer les agressions sexuelles et les viols dont elles sont victimes, ainsi que le silence du corps enseignant et de la direction. La scène, la première à plonger tête la première et poings serrés dans le genre de la comédie musicale, est un modèle à suivre.
Que s’est-il donc passé pour qu’ensuite, La Ola sombre doucement mais sûrement vers le navet ? La première hypothèse est que son réalisateur, Sebastián Lelio, ne s’est emparé de ce sujet que pour suivre une mode. Le Chilien nous avait pourtant habitué·es à des représentations autrement plus fines, que ce soit de femmes quinquagénaires dans Gloria puis son auto-remake Gloria Bell, d’une chanteuse transgenre dans Une femme fantastique ou des rapports complexes entre la croyance et la science dans The Wonder. Cette fois-ci, la libération de la parole dans le sillage du mouvement #MeToo ne lui inspire aucun propos construit. Les militantes féministes sont insupportables, voire profondément bêtes, dépeintes comme des hystériques castratrices incapables du moindre début de réflexion. Les hommes accusés et leurs proches n’ont pas forcément le beau rôle non plus, mais ce n’est pas en faisant preuve de relativisme qu’on célèbre la nuance.
Sebastián Lelio semble d’ailleurs lui-même conscient de marcher sur des œufs – et, en l’occurrence, d’en faire une belle omelette – et tente de s’en sortir avec une scène méta, dans laquelle tout le monde s’arrête pour qu’on puisse découvrir, lorsque le cadre s’élargit, que la scène est filmée par un cinéaste. Celui-ci est aussitôt pris à partie par des jeunes femmes qui lui hurlent qu’il est un homme et ne peut donc pas s’emparer du sujet des violences sexistes et sexuelles à l’écran. Une pirouette incompréhensible, qui ne fait que renforcer la certitude que le cinéaste n’a pas de point de vue sur ce qu’il raconte.
La confusion totale du propos est encore alourdie par le genre de la comédie musicale. La première chanson prometteuse laisse place à des airs catastrophiquement ratés et des interprétations hésitantes. S’il ne surnageait pas une certaine maîtrise derrière la caméra, on pourrait croire à un spectacle étudiant mal rodé. Un énorme gâchis.
MARGAUX BARALON
La Ola
Réalisé par Sebastián Lelio
Avec Daniela López, Lola Bravo, Avril Aurora
Ce film est présenté dans la sélection Cannes Première au Festival de Cannes 2025
Printemps 2018, une vague de manifestations déferle sur le Chili. Julia, une étudiante en musique rejoint le mouvement de son université pour dénoncer le harcèlement et les abus subis par les élèves depuis trop longtemps. Alors qu'elle trouve le courage de partager avec les étudiantes un souvenir qui la hante, elle devient de manière inattendue une figure centrale du mouvement. Son témoignage, intime et complexe, devient une vague qui secoue, perturbe et désarme une société polarisée.
En salles prochainement.