LES MAUDITES – Pedro Martín-Calero
© Manolo Pavón
Fléau héréditaire
Reparti du Festival de Gérardmer avec deux trophées dans ses valises (Prix de la jeunesse et Prix de la critique), le premier long-métrage du réalisateur espagnol Pedro Martín-Calero use avec habileté du cinéma d’horreur pour peindre les conséquences des traumas transgénérationnelles.
On le sait, les violences subies au sein d’une famille ne touchent pas que la génération qui les a vécues. Elles s’apprennent, muent et se répercutent, de manière plus ou moins insidieuse, sur la suite de la lignée qui n’en comprend pas toujours l’origine. Dans Les Maudites, cette violence prend la forme du fantôme d’un vieillard qui tourmente, agresse et tue les femmes auxquelles il s’attache. Découpant son film en deux parties qui se déroulent à une vingtaine d’années d’écart, le réalisateur Pedro Martín-Calero raconte le destin étroitement lié de deux jeunes étudiantes effrayées par cette mystérieuse entité.
Ce dispositif en deux temps, d’abord l’histoire d’Andrea se passant dans les années 2020 en Espagne puis celle de Marie qui habitait en Argentine une vingtaine d’années plus tôt, permet au scénario d'asseoir progressivement son propos. Car si des jump scares bien placés et quelques scènes de tension relevées par une musique angoissante nous confirment qu’il s’agit bel et bien d’un film d’horreur, Les Maudites peut parfois dérouter en adoptant un rythme plus lent qui laisse la parole aux personnages. On découvre alors leurs histoires familiales (l’une a été adoptée et l’autre a perdu sa mère qui s’est suicidée) et on remarque les similarités. Surtout, on s’attarde sur le regard que les autres portent sur elles et sur la manière qu’ils ont de les penser folles quand elles subissent les assauts du vieillard fantomatique. Incomprises car également dans l’impossibilité de comprendre ce qui leur arrive, les personnages d’Andrea et Marie forment une représentation, extrapolée par l’horreur certes, des dégâts des traumas transgénérationnels.
Tout comme La famille du Vourdalak de Tolstoï avec lequel le film partage de nombreux points communs – ce livre raconte l’histoire d’une famille terrorisée puis décimée par un patriarche qui les suce jusqu’au sang – Les Maudites s’offre une fin ouverte. Si cette dernière a pu décevoir quelques spectateurs du Festival de Gérardmer, elle a néanmoins l’intelligence de montrer la difficulté de se séparer d’un mal qui a pris racine bien avant notre naissance.
ENORA ABRY
Les Maudites
Réalisé par Pedro Martín-Calero
Avec Ester Expósito, Mathilde Ollivier, Malena Villa
Espagne, France, 2024
Quelque chose hante Andrea, mais personne, pas même elle, ne peut le voir à l’œil nu. Il y a vingt ans, à dix mille kilomètres de là, la même présence terrorisait Marie. Camila est la seule à pouvoir comprendre ce qui leur arrive, mais personne ne la croit. Face à cette menace oppressante, toutes trois entendent le même son écrasant : un cri.
En salles le 21 mai 2025.