GIFF 2025 : LAS CORRIENTES - Milagros Mumenthaler

© Dulac

Flux et reflux

La très rare réalisatrice suisso-argentine revient pour son troisième long-métrage avec l’histoire étrange d’une styliste hydrophobe. Un film sous forme de déambulation, à la mise en scène impressionnante.

Qu’est-ce qui pousse Lina, 34 ans, à se jeter dans le lac de Genève ? Au début de Las Corrientes, il est impossible de le savoir. L’introduction de ce film déroutant, parmi les plus belles qu’il nous ait été donné de voir ces derniers mois, est intégralement muette. La styliste argentine, décorée d’un prix prestigieux en Suisse, semble errer dans les rues de la ville à la rigueur protestante, avant d’enjamber sans hésiter les barrières d’un pont. Repêchée par la brigade fluviale, elle retourne à son existence légèrement perturbée : il lui est désormais impossible de s’approcher de l’eau.

Comme son héroïne, la cinéaste Milagros Mumenthaler est un mystère. Son premier long-métrage, Trois sœurs, avait eu les faveurs du jury du Festival de Locarno en 2011. Présenté quatorze ans plus tard au GIFF, le Festival du film international de Genève, Las Corrientes n’est que son troisième film, le second n’étant jamais sorti chez nous. L’attente n’a rien émoussé de la singularité de la réalisatrice, qui oscille ici entre le réalisme magique et l’exploration intérieure, suivant Lina jusqu’à son retour en Argentine auprès de sa fille et son mari, lesquels ne savent évidemment rien des tourbillons qui l’agitent. D’une bizarrerie sublimée par des plans qui impriment durablement les rétines, que ce soit une masse de cheveux ondulés posée sur un canapé ou la vision de fillettes vêtues de rouge dans une cuisine blanche, Las Corrientes emprunte autant au cinéma de Claude Chabrol une intimité inquiétante qu’à Pedro Almodovar sa direction artistique très colorée.

Il serait injuste, néanmoins, de toujours ramener Milagros Mumenthaler à d’autres, tant on sent poindre sa personnalité dans ce film radical, qui prend le risque d’une protagoniste difficile à aimer et d’une trame narrative déséquilibrée, sans grande récompense pour le spectateur. C’est là, d’ailleurs, sa grande limite, quand bien même cela lui permet d’éviter les clichés : Las Corrientes ne sort jamais de l’esquisse de ses problématiques, comme le trauma ou la maternité. Reste une originalité appréciable dans le cinéma contemporain et une grande actrice, Isabel Aimé González Sola, qui trimballe son regard triste et doux avec beaucoup de grâce.


MARGAUX BARALON

Las Corrientes

Réalisé par Milagros Mumenthaler

Avec Isabel Aimé Gonzalez Sola, Esteban Bigliardi

Ce film est présenté au Geneva International Film Festival

Lina, 34 ans est une styliste argentine au sommet de sa carrière. En Suisse pour recevoir un prix prestigieux, elle se jette sans raison apparente dans un fleuve. De retour à Buenos Aires, elle garde le silence sur cet épisode. Pourtant, de façon presque imperceptible, quelque chose en elle a changé. Une peur de l’eau s’installe, insidieuse, et finit par paralyser son quotidien. Peu à peu, ce bouleversement intérieur fait remonter à la surface un passé qu’elle croyait à jamais enfoui.

Sortie le 11 mars 2026

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