Cannes 2025 - DALLOWAY – Yann Gozlan
© ZHOU YUCHAO / Mandarin & Compagnie - Gaumont
Tout est chaos
Projeté en Séance de minuit, Dalloway est un thriller efficace – mais sans grande originalité ni finesse – sur les dérives de l’intelligence artificielle dans le milieu artistique. Un écrin solide pour l’incandescente Cécile de France et la voix mythique de Mylène Farmer.
Yann Gozlan aime mettre ses personnages et ses interprètes dos au mur, que ce soit Pierre Niney en écrivain plagiaire dans L’Homme idéal ou Diane Kruger en médium victime de ses obsessions dans Visions. Cette fois-ci, c’est au tour de Cécile de France de se retrouver au centre de sa machine infernale, futuriste qui plus est. Elle incarne Clarisse, une écrivaine (encore une!) en manque d’inspiration. Pour s’aider, elle intègre une résidence artistique prestigieuse qui met à disposition de ses occupants un appartement doté d’une IA personnelle. Puisque Clarisse veut écrire sur les derniers jours de Virginia Woolf, elle nomme ironiquement son IA « Dalloway » (dont la voix est celle de l’iconique Mylène Farmer). Dalloway peut tout faire : allumer les lumières, commander en ligne, créer des ambiances de plage pour améliorer la qualité du sommeil, conserver les fichiers de recherches nécessaires à l’élaboration du roman, mais aussi parler et analyser son interlocuteur… Enfermée dans son appartement, Clarisse s’attache à Dalloway jusqu’à ce que celle-ci lui suggère de ne pas parler du suicide de Woolf pour écrire sur celui de son fils. Jusqu’où ira cette IA pour obtenir ce qu’elle veut ? Quel est le véritable but de cette résidence artistique 2.0 ?
Adapté du roman Les Fleurs de l’ombre de Tatiana de Rosnay, le film pose d’emblée un imaginaire futuriste plutôt éculé : une canicule qui n’en finit pas (d’où les petits buildings aux murs de verdure), une pandémie mondiale (une autre ?) et surtout des intelligences artificielles (très très intelligentes) qui envahissent tous les espaces. Sauf que la manière dont Dalloway allie ces éléments et les fait jouer autour de Cécile de France le rend curieusement digeste, voire plaisant. De même, si le scénario monte dans les tours en accumulant les théories du complot (les entreprises d’IA s’en serviraient pour pomper le savoir des artistes et créer à leur place), il a le bon réflexe de rester proche de l’intime, en ne perdant jamais de vue le point d’ancrage du récit qu’est son personnage, à savoir Clarisse qui n’arrive pas à se remettre du drame qui a brisé sa famille.
© ZHOU YUCHAO / Mandarin & Compagnie - Gaumont
Suivant scrupuleusement les règles du genre de ce thriller quasi carcéral – avec la scène de pacte secret entre deux résidents pour se rebeller, la scène d’évasion, etc. – Dalloway ne surprend pas mais conserve son efficacité grâce à un rythme soutenu devant beaucoup au montage dynamique et au travail du son qui crée toute l’atmosphère de ce monde futuriste (un entretien avec la cheffe opératrice son du film est à retrouver sur Sorociné). Enfin, si on peut reprocher à Dalloway son manque d’originalité dans le choix de son sujet – le débat « IA vs artistes » a animé les cinq dernières années – il n’en reste pas moins que les peurs qu’il convoque restent d’actualité et que les mettre en avant, au Festival de Cannes, relève d’un acte de mise en garde.
Terminant son scénario sans craindre de paraître totalement nihiliste, Yann Gozlan évite les solutions vaseuses pour mettre fin à son thriller, ou pire, l’intervention d’un deus ex machina qui chasserait l’IA de nos terres. Le réalisateur croit au message de l’œuvre de Tatiana de Rosnay et l’adapte avec une forme d’urgence et une grande sincérité – comme il livrerait une prémonition sur pellicule. D’ailleurs, il le disait lui-même à la fin de la présentation du film au Grand Théâtre des Lumières : « Il nous reste peu de temps avant d’être remplacés par les IA. Alors, en attendant, faisons des films, écrivons, et allons boire des coups ».
ENORA ABRY
Dalloway
Réalisé par Yann Gozlan
Avec Cécile de France, Mylène Farmer, Anna Mouglalis
Ce film est présenté en Séance de minuit au Festival de Cannes 2025.
Clarissa, romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway, son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements complotistes d’un autre résident. Se sentant alors surveillée, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. Menace réelle ou délire paranoïaque ?
En salles le 16 septembre 2025.