Cannes 2025 - LA PETITE DERNIÈRE - Hafsia Herzi
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À la poursuite de son désir
Pour son troisième long-métrage, La petite dernière, en compétition cette année au Festival de Cannes, l’actrice et réalisatrice Hafsia Herzi adapte brillamment le roman éponyme de Fatima Daas. Légèrement scolaire, le film nous emporte néanmoins dans une émancipation précieuse grâce à sa comédienne Nadia Melliti.
Tu mérites un amour et Bonne mère, les deux sublimes premiers longs-métrages de la comédienne Hafsia Herzi – qui témoignent d’un regard singulier de réalisatrice – possédaient une portée autobiographique et une mise en scène brute saisie dans une urgence quasi viscérale. Son troisième film sélectionné en compétition au Festival de Cannes est l’adaptation du roman de Fatima Daas, La petite dernière. Mais étrangement, si l’histoire personnelle de l’héroïne semble éloigné en apparence de la réalisatrice, on retrouve dans le personnage de Fatima et par l’incarnation de son actrice Nadia Melliti la même pudeur, le côté taiseux et d’apparence calme qui caractérisent si bien le jeu et la direction d’Hafsia Herzi, à tel point que ça en devient troublant. Le récit de Fatima raconte celui d’une jeune fille qui, à l’âge de l’émancipation, se retrouve tiraillée entre sa foi musulmane et la découverte de sa sexualité lesbienne.
Cette petite dernière d’une famille de trois sœurs porte en son sein ces deux identités irréconciliables. Ce conflit intérieur se matérialise dans son asthme, l’héroïne semble suffoquer sous le poids de ce secret lourd à son cœur qu’elle ne peut confier à sa famille, jusqu’à insulter un camarade homosexuel dans les couloirs du lycée quand celui-ci lui crie haut et fort qu’elle est lesbienne. Fatima va tenter de comprendre et de poursuivre le désir qui dévore son corps grâce aux applications de dating, elle part à la recherche des corps de femmes au gré des rencontres. Jusqu’à ce que ce cœur asphyxié commence à battre au contact de Ji-Na (Ji-Min Park, révélée dans le sublime Retour à Séoul de Davy Chou, ici même au Festival de Cannes), infirmière chargée de lui apprendre à respirer correctement pendant une crise.
À travers ce parcours d’apprentissage amoureux, sexuel et également social, du lycée de banlieue à la fac de philo et sa bourgeoisie parisienne, plutôt classique dans sa mise en scène, Hafsia Herzi bouleverse quand elle dépeint subtilement les relations familiales, déjà au centre de son film précédent, et notamment le lien unissant Fatima à sa mère aimante et pourtant loin de pouvoir recevoir son coming out. En filigrane, le fantôme de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche plane sur le film de manière évidente. Dix ans sont passés et le traitement du désir lesbien a évolué dans la société. Actrice fétiche de Kechiche, révélée dans La Graine et le Mulet en 2007, Herzi s’y oppose malgré elle avec La petite dernière par la finesse et la grâce de son écriture. L’élève a indéniablement dépassé son maître.
DIANE LESTAGE
La petite dernière
Réalisé par Hafsia Herzi
Avec Nadia Melliti, Ji-Min Park et Louis Memmi
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2025.
Fatima, 17 ans, est la petite dernière. Elle vit en banlieue avec ses sœurs, dans une famille joyeuse et aimante. Bonne élève, elle intègre une fac de philosophie à Paris et découvre un tout nouveau monde. Alors que débute sa vie de jeune femme, elle s’émancipe de sa famille et ses traditions. Fatima se met alors à questionner son identité. Comment concilier sa foi avec ses désirs naissants ?
En salles le 1 octobre 2025.