WICKED: Partie Deux - Jon M. Chu

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Smoke & Mirrors

Un an plus tard, le blockbuster Wicked, devenu véritable phénomène de société, est de retour pour clore son récit avec cette partie deux tant attendue. Plus sombre que sa première partie, ce dernier tour de piste s’avère plus laborieux et moins enchanteur, malgré le dévouement du fabuleux duo Cynthia Erivo-Ariana Grande.

C’était l’interrogation sur toutes les lèvres, fallait-il couper l’adaptation de Wicked en deux actes ? Ce deuxième film nous donne malheureusement la réponse. Si Wicked : Partie 1 avait largement étiré le matériau source de la première moitié du musical de Broadway pour créer un monde consistant, offrir une riche galerie de personnages, explorer des thématiques et poser un contexte politique, cette deuxième entrée souffre d’un effet de trop-plein ou s’entrechoquent péripéties interminables et temporalités tarabiscotées. Le film a de (trop) lourdes tâches : conclure un récit chargé en personnages et en enjeux narratifs, faire de la place pour inclure la temporalité du film Le Magicien d’Oz dans sa structure et y insérer des numéros musicaux poignants tout en conservant un rythme épique haletant. La barque est chargée, et Wicked : Partie 2 en souffre inéluctablement.

Moins bien doté en tubes « vers d’oreille », Wicked : Partie 2, film à l’ADN plus sombre et adulte, repose surtout sur le déroulement narratif politique de son récit. Adieu, la bulle de savon qu’était le premier volet, où les flirts universitaires et les espoirs de jeunesse menaient la danse. Bienvenue à Oz, où il ne fait plus bon être un animal, un munchkin, de couleur verte ou simplement un·e opposant·e politique. Si le long-métrage est victime de sa structure narrative et de son montage, faits d’allers-retours incessant et confus, il est le récit plutôt adroit de l’échec d’une politique radicale menée par la marginale Elphaba. Le film comprend parfaitement comment l’opinion publique fabrique, vénère et brûle des icônes au fil des ses peurs les plus profondes et parfois les plus réactionnaires. Les deux volets finissent par se répondre en entérinant définitivement la question de la naissance du mal, qu’il associe à la création d’un « bien » factice permettant aux hommes un exutoire à leurs passions.

L’espoir et la justice ne font pas long feu devant le climat de terreur instauré au pays d’Oz par l’affabulateur Magicien, Mrs. Morrible et leurs acolytes. En temps de crise, c’est bien vers le politiquement correct, le confortable et « le bien » que l’on se tourne. Les icônes pures le savent bien, pour rester des intouchables, elles devront se parer d’un habit d’inaccessibilité, d’une « magie » indiscutable. Glinda « la Bonne » en fera d’ailleurs les frais, faisant de cette dernière partie l’acte fondateur de sa transformation finale, tout en regrets et en décisions inaltérables.

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No one mourns the witches

Le film remet également le doigt sur l’un de ses grands thèmes, la relation queer-coded qui unit Elphaba et Glinda. Qui dit échec politique et fascisation d’une société dit recul des droits des personnes marginalisées et de leurs acceptations et représentations dans l’espace public. Ainsi, après moult tergiversations, trahisons, retrouvailles et cris du cœur, l’incorruptible Elphaba sera à l’origine de la preuve d’amour et de confiance ultime. En faisant le choix le plus dur, où elle renvoie littéralement la possibilité d’une relation avec Glinda au placard, dans un des split-screens les plus déchirants vus à l’écran. Ce dernier acte de foi métamorphose à jamais Glinda, lui donnant les clés du royaume, en espérant qu’après la pluie reviendra le beau temps sur le pays d’Oz.

Si cette nouvelle proposition qui conserve un production design steampunk féérique bat de l’aile, une chose reste sûre, les capacités de son casting impeccable mènent toujours la danse. Surtout, le duo Cynthia Erivo-Ariana Grande continue d’entretenir la magie, tant leur alchimie vocale et scénique fait encore des étincelles. Le réalisateur Jon M. Chu l’a bien compris et filme avec beaucoup d’affection et de conviction ses deux astres contraires faisant rayonner son film, de tous les côtés de son arc-en-ciel, même en temps de crise.

LISA DURAND

WICKED: Partie Deux

Réalisé par Jon M.Chu

Avec Ariana Grande, Cynthia Erivo, Jonathan Bailey

La suite des aventures d'Elphaba et Glinda, deux sorcières légendaires du pays d'Oz, liées puis déchirées par le destin, poursuivant chacune sa propre quête de vérité et de justice…Face à une révolte populaire dirigée contre Elphaba, les deux sorcières doivent mettre de côté leurs différends. Leur amitié, complexe mais sincère, devient la clé de leur avenir commun. Pour espérer réécrire leur histoire - et celle d'Oz - elles devront apprendre à se comprendre avec clarté, respect et bienveillance.

En salles le 19 Novembre.

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