THE UGLY STEPSISTER – Emilie Blichfeldt

© ESC Films

La plus belle pour aller danser

La réalisatrice norvégienne envoie valser la Cendrillon de Disney pour la ramener à son essence grimmesque avec ses orteils coupés et ses injonctions terribles à la beauté. Un film qui, malgré quelques scènes réussies de body horror, demeure trop sage et ne propose rien de nouveau.

L’histoire de Cendrillon, on la connaît, avec cette affreuse belle-mère et ses demi-sœurs tout aussi sottes que laides qui réduisent en esclavage la pauvre, et surtout magnifique, Cendrillon jusqu’au jour où le prince tombe amoureux de cette dernière lors d’un bal. Tout est bien qui finit bien, la belle finit avec le beau et les trois mégères aux coiffes absurdes sont tournées en ridicule. Dans The Ugly Stepsister, Emilie Blichfeldt prend le contrepied (sans mauvais jeu de mots) de ce conte. On suit une des fameuses belles-sœurs, Elvira (incarnée par Lea Myren), désespérée d’être moins jolie que Cendrillon, et surtout, folle amoureuse d’un prince qu’elle n’a jamais vu. À l’approche du bal, durant lequel l’héritier du trône devra choisir sa future épouse, Elvira entame un chemin de torture pour être la plus belle et conquérir le cœur de son bien-aimé.

Superbe esthétiquement (alliant parfaitement une déco gothique à une réalisation pop) et porté par des actrices convaincantes, The Ugly Stepsister déçoit pourtant par la vacuité de son propos. Oscillant entre la peur d’en faire trop et celle de ne pas en faire assez, on assiste à des scènes très réussies de body horror (quand la jeune fille se fait casser le nez ou coudre des faux cils à même les paupières) tristement contrebalancées par des séquences assez vides ou remplies de clichés. Pourquoi la jeune Elvira est-elle si désespérément amoureuse de ce prince qu’elle n’a jamais vu ? Nous ne le saurons pas – car il s’agit du but de l’histoire sans doute et que chaque demoiselle se doit d’être amoureuse du futur monarque. D’où vient son obsession pour le corps parfait ? Si la réponse peut paraître évidente, elle n’est cependant pas fouillée. À l’instar de Cendrillon ou d’autres contes, le scénario tourne cette recherche de la beauté de la part de ceux qui ne la possèdent naturellement en une quête malsaine et dangereuse, qui ne peut mener qu’à la perte de l’héroïne principale, souvent un peu idiote ou perfide – et ce, sans jamais vraiment critiquer le contexte sociétal qui pousse ces mêmes héroïnes à s’infliger des traitements tortionnaires. Cette démarche, qui a récemment alimenté The Substance ou encore Grafted de Sasha Rainbow, finit par devenir lassante, en plus de transmettre un message problématique : il est impossible d’atteindre la beauté et de se plaire autrement qu’en se détruisant, et chaque personnage qui tente cette aventure est en réalité une sorte de gnome dépressif. Vous apprécierez la finesse de la réflexion.

Pourtant, on aurait pu espérer que The Ugly Stepsister viendrait rompre ce schéma, notamment car le scénario souhaite que l’on prenne le parti d’Elvira puisque le personnage de Cendrillon demeure dans l’ombre une bonne partie du long-métrage. Mais non. Et le fait de s’y être un peu attachée rend les dernières minutes du film (faites de souffrances pour l’héroïne, vous vous en doutez) particulièrement longues et pénibles. On peut néanmoins relever que le film a l’intelligence de ne pas entièrement opposer ses personnages féminins, Elvira ne se chamaille que peu avec Cendrillon qui accepte même de l’aider à certains moments critiques, et une belle scène avec sa sœur vient clore le scénario. Des petits détails qui n’ont pas échappé à nos confrères et consœurs qui se sont empressés de qualifier The Ugly Stepsister de « conte féministe ». Mouais.

ENORA ABRY

The Ugly Stepsister

Réalisé par Emilie Blichfeldt

Avec Lea Myren, Thea Sofie Loch Næss, Ane Dahl Torp

Dans un royaume où la beauté règne en maître, la jeune Elvira doit faire face à une redoutable concurrence pour espérer conquérir le cœur du prince. Parmi les nombreuses prétendantes, se trouve notamment sa demi-sœur, à l'insolente beauté. Pour parvenir à ses fins dans cette impitoyable course au physique parfait, Elvira devra recourir aux méthodes les plus extrêmes...

En salles le 2 juillet 2025.

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