REFLET DANS UN DIAMANT MORT - Hélène Cattet et Bruno Forzani
© UFO Distribution
Les mille facettes d’une histoire
Le nouveau film d’Hélène Cattet et Bruno Forzani est un James Bond kaléidoscopique qui s’amuse pleinement du cinéma.
Sur la Côte d’Azur, un vieil homme profite du confort d’un palace malgré les factures qui s’accumulent. En parallèle, une femme est assassinée par une figure du grand banditisme. Son visage est écrasé sur du diamant. Une belle image qui évoque pleinement un giallo, dans ce qui semble à première vue être un pur exercice de style – dommage, on en attendait plus du duo de cinéastes, déjà habitué à puiser son style dans le cinéma italien.
Comme il évoque inexorablement le rêve, ce genre du giallo est allègrement utilisé pour développer un récit nébuleux, en se servant de toutes les possibilités du montage pour tisser des liens visuels. Il se distingue alors progressivement du simili-James Bond arty dont on aurait pu l’accuser et parvient à créer sa propre dramaturgie. Tout ce qu’il raconte converge autour d’un homme et de son monde intérieur, formaté par son passé.
Le film est construit comme la pierre précieuse dont il tire son nom, il dévoile plusieurs facettes et pourrait faire penser à du toc, mais c’est bien un seul objet solide. Car Reflet dans un diamant mort est une œuvre à la narration exigeante, il faut se laisser pleinement porter et accepter un instant de croire à un manque de maîtrise. Mais une fois l’expérience acquise et acceptée, le spectacle sensoriel (on parle souvent de la photographie de Manu Dacosse, mais le travail sur le son de Daniel Bruylandt est toujours exceptionnel) gagne en émotion. L’hommage ludique aux accessoires de 007, ou plutôt des Totally Spies comme le combat se conjugue au féminin, se mêle à l’univers des comics, jusqu’à intégrer de l’animation dans l’œuvre.
Au fur et à mesure que le récit se dénoue, sa complexité thématique s’intensifie, l’exercice baroque se transforme en une lettre d’amour dramatique à la fiction. Pop culture, tapis rouge luxueux et film B ne font plus qu’un, dans un décor qui évoque autant le Festival de Cannes que l’âge d’or du cinéma italien. Quant à celui de Cattet et Forzani, il prend, un peu plus que d’habitude, du recul sur ses références et son époque. Il ne se contente pas de reproduire les fantasmes du passé mais les réutilise, pour une nouvelle histoire à partir des images que nous avons consommées. Pour la première fois depuis longtemps, un film parle discrètement de nostalgie et la transforme en une généreuse quoique tragique lettre d’amour à son art.
MANON FRANKEN
Reflet dans un diamant mort
Réalisé par Hélène Cattet, Bruno Forzani
Avec Fabio Testi, Yannick Renier, Koen De Bouw
Suite à la disparition soudaine de sa voisine de chambre, un ancien agent secret, reclus dans un palace de la Côte d’Azur, s’imagine que ses ennemis jurés refont surface. Surtout la redoutable Serpentik, qu’il n’a jamais réussi à démasquer. Oscillant entre présent et passé, il remonte le film de sa vie, au risque de découvrir qu’il n’y tenait pas forcément le meilleur rôle. Et que les diamants sont loin d'être éternels…
En salles.