CHAMPS ÉLYSÉES FILM FESTIVAL - NINO – Pauline Loquès

© BLUE MONDAY PRODUCTIONS

Deux jours, trois nuits

Premier long-métrage d’une maîtrise impressionnante, Nino suit l’errance d’un jeune homme qui vient d’apprendre qu’il est atteint d’un cancer. Alternant scènes sensibles et drôles, Pauline Loquès livre un scénario original porté par un trio d’acteurs (Théodore Pellerin, William Lebghil et Salomé Dewaels) touchant.

Rares sont les récits d’errance qui parviennent à maintenir leur rythme. Pourtant, pour son premier long (après son court La Vie de jeune fille en 2018), Pauline Loquès relève ce défi avec brio. Chez elle, pas le temps de traîner, les plans d’ouverture frappent fort. On découvre Nino (Théodore Pellerin, révélation de Becoming Karl Lagerfeld), perdu dans les dédales d’un hôpital et qui comprend, au détour d’une conversation faite de quiproquos avec un médecin, qu’il est atteint d’un cancer de la gorge lié au développement d’un papillomavirus (IST) contracté il y a plusieurs années. Nous sommes vendredi soir, le jour de ses trente ans, et le traitement commence lundi matin. Pendant ce week-end, il va voir sa mère, ses amis, faire de nouvelles rencontres, et se demander à qui et comment en parler.

Force est de constater que Pauline Loquès aime mettre des bâtons dans les roues des trentenaires. Dans La Vie de jeune fille, elle suivait l’enterrement de vie de jeune fille d’une femme de trente ans qui n’arrivait pas à annoncer à ses copines que sa vie avait basculé, puisque son fiancé venait de la quitter. Pour Nino aussi, la vie bascule et il ne sait à qui s’adresser. Ainsi, pendant toute sa première partie, le film articule finement ses dialogues autour des non-dits et n’en devient que plus fort, puisqu’il ausculte toutes les pensées qui gravitent dans l’esprit de Nino à l’approche de sa possible mort. Face à sa mère (incarnée par la fantasque Jeanne Balibar), il repense à son enfance, au décès de son père. Face à une ancienne compagne, il évoque les raisons qui font que l’on se quitte, que l’on puisse disparaître de la vie d’une personne qui nous a pourtant été chère. Coincé dans la position de celui qui se tait car il ne sait comment s’exprimer, Nino accueille les histoires de ceux qu’il croise (avec des rencontres parfois inattendues, comme celle avec une sorte de SDF dandy campé par Mathieu Amalric) et donne alors à chaque personnage secondaire une véritable importance. Ainsi, le film évite tous les écueils du pathos, en alliant la tristesse de son postulat de départ à des situations parfois absurdes et drôles ou intimes et touchantes – si ce n’est tout cela en même temps.

Sans vouloir trop en dévoiler, on retiendra de Nino une magnifique séquence de complicité entre deux amis dans une salle de bain, une scène de sexe avec un babyphone (eh oui !) aussi pudique que torride, et surtout la performance de tous ses acteurs, qu’il s’agisse de la sensibilité de Théodore Pellerin, de l’humour toujours aussi désopilant de William Lebghil ou de la finesse de Salomé Dewaels. Grâce à tous ces ingrédients, le propos quelque peu éculé du film (parler de la maladie pour tisser un récit sur l’entraide et l’espoir) prend toute son ampleur et se redécouvre avec justesse.

ENORA ABRY

Nino

Réalisé par Pauline Loquès

Avec Théodore Pellerin, William Lebghil et Salomé Dewaels

Ce film a été présenté en ouverture du Champs-Elysées Film Festival.

Dans trois jours, Nino devra affronter une grande épreuve. D’ici là, les médecins lui ont confié deux missions. Deux impératifs qui vont mener le jeune homme à travers Paris, le pousser à refaire corps avec les autres et avec lui-même.

En salles le 17 septembre 2025.

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