Cannes 2025 - THE CHRONOLOGY OF WATER - Kristen Stewart

© Les Films du Losange

Mais les vagues les ramènent

Avec un premier film plus qu’attendu, Kristen Stewart dresse le portrait écorché vif de l’autrice et nageuse Lidia Yuknavich en adaptant ses mémoires. Audacieux, ambitieux… Et aussi confus.

C’est sur de l’eau et du sang, s’écoulant par le siphon d’une douche, que Kristen Stewart ouvre son premier long-métrage présenté dans la sélection Un Certain Regard. L’imagerie y est limpide : The Chronology of water traitera des violences sexuelles, en retraçant le parcours de vie de Lidia Yuknavitch, nageuse professionnelle et écrivaine américaine. Mais point de biopic ici, puisque la réalisatrice efface tout marqueur biographique de son film, et s’intéresse en réalité au cadre intime et à la psyché de son héroïne, victime d’abus sexuels de la part de son père pendant l’enfance et l’adolescence.

Il faut dire que le bien-nommé The Chronology of water ne suit pas vraiment de chronologie, si ce n’est une vague structuration en chapitres de vie, mais plutôt le flux de conscience en va-et-vient de son héroïne. L’eau représente l’environnement-refuge de Lidia, un exutoire de la violence intra-familiale qu’elle subit ; mais elle incarne aussi la mémoire, fluctuante, traître, qui charrie les souvenirs traumatiques pour les faire ressurgir contre toute volonté - on pense à cette scène où une petite boîte, renfermant ce qui devrait être oublié, est jetée au loin dans la mer mais revient, ramenée par les vagues, aux pieds de l’héroïne. Pour mettre en scène cette mémoire fluctuante, Stewart use à l’envi de ressorts parfois pompeux : coupes brutales, superpositions de sons, qui matérialisent la surimpression permanente des souvenirs sur le présent.

Le résultat est une oeuvre sensorielle, parfois boursouflée, souvent confuse, qui fait le récit écorché vif d’une jeune femme démolie par le traumatisme de l’inceste, et de sa reconstruction psychique par l’écriture. Stewart réussit, grâce à sa mise en scène focalisée sur la psyché, à faire un portrait risqué mais juste de l’horreur de l’inceste, et notamment du rapport mutilé de sa victime à sa sexualité et son propre corps. Si l’actrice Imogen Poots fait mouche dans son incarnation de Lidia, qui a des airs d’une Laura Palmer des années 90, c’est toutefois du côté du père que cette représentation faiblit. En faisant le choix de le dépeindre en vrai salaud, la réalisatrice fait du père un monstre pur et simple et affaiblit la portée de son discours sur la silenciation des violences intra-familiales et sur l’emprise psychologique subie par sa victime. Une faiblesse qui montre les limites de cette mise en scène surchargée et ultra-sensorielle, mais qu’on pardonne à Kristen Stewart face à la sensibilité et l’émotion qui se dégagent du résultat final.


MARIANA AGIER

The Chronology of Water

Réalisé par Kristen Stewart

Avec Imogen Poots, Thora Birch, James Belushi

Ce film est présenté en sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2025.

Ayant grandi dans un environnement ravagé par la violence et l’alcool, la jeune Lidia peine à trouver sa voie. Elle parvient à fuir sa famille et entre à l’université, où elle trouve refuge dans la littérature. Peu à peu, les mots lui offrent une liberté inattendue…

D'après le roman autobiographique de Lidia Yuknavitch.

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