SLOW - Marija Kavtaradze

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Pas de deux

Pour son deuxième long-métrage, la réalisatrice lituanienne parle avec sensibilité de l’asexualité en suivant l’histoire d’un couple de trentenaires. Dommage que son scénario – qui évite pourtant plusieurs écueils – s’achève sur une note amère plutôt que dans la lumière.

Nombreux sont les clichés sur l’asexualité, vue non comme une orientation sexuelle mais comme une « étape » qu’on nous enjoindrait de franchir à coups de « Ça va changer. Tu n’es pas encore prêt·e. Tu n’as peut-être pas trouvé la bonne personne, c’est simplement ça, non ? » Dans Slow, pas question de traiter le sujet avec ces remarques absurdes. Le personnage de Dovydas (incarné par le formidable Kęstutis Cicėnas) est très clair sur ce point : il est asexuel, pas un petit garçon qui doit apprendre le désir. Alors qu’il traduit un cours de danse en langue des signes, il croise la route d’Elena (Greta Grinevičiūtė), professeure et danseuse contemporaine. Tombé sous son charme, il s’ouvre à elle et tente de lui faire comprendre qu’une autre manière de vivre leur amour et leur intimité est possible. Un chemin difficile, puisque Elena – que nous découvrons en train de faire l’amour dès les premiers plans du film – semble très attachée à sa sexualité, qu’elle voit aussi comme une forme d’expression de sa liberté…

Ce postulat de départ, très peu vu au cinéma, dévoile progressivement ses sous-problématiques. Au rejet ressenti par Elena s’accorde la jalousie montante de Dovydas qui craint que sa compagne n’aille voir ailleurs. Restant toujours proche de ses personnages, autant dans son cadre que dans son scénario, Marija Kavtaradze leur laisse le temps d’exister, de s’affirmer ou de douter. Ajoutant un peu de grain et des couleurs orangées, la réalisatrice évite de tomber dans une esthétique froide et une dissection quasi clinique du couple qu’elle met en scène, au profit de l’émotion. Ainsi, le spectateur comprend leurs deux points de vue et les sentiments qui en résultent : que ce soit l’incompréhension, la gêne (notamment durant certaines scènes de sexe dont on sait qu’elles mettent mal à l’aise Dovydas ou même Elena), mais aussi l’affection qui demeure dans le duo.

Malheureusement, chaque tentative visant à faire évoluer le couple dans une direction qui pourrait convenir aux deux parties se heurte à un mur. Si ce développement a au moins le mérite de ne pas minimiser les problématiques auxquelles ils font face (que ce soit l’impossibilité pour Elena de faire totalement une croix sur sa sexualité ou le complexe de Dovydas qui sait ne pas remplir toutes les injonctions à la masculinité régies par la société), il laisse toutefois une impression amère, qui, malgré toute la douceur du film, tend à faire comprendre qu’une longue relation amoureuse ne saurait se départir de la sexualité et serait donc inaccessible aux personnes asexuelles en dehors de leur communauté.

ENORA ABRY

Slow

Réalisé par Marija Kavtaradze

Avec Greta Grineviciute, Kęstutis Cicėnas, Pijus Ganusauskas

Elena, une danseuse épanouie, fait la rencontre de Dovydas, un interprète en langue des signes. Leur connexion est immédiate. Alors que leur lien s'approfondit, Dovydas confie à Elena, qu'il ne ressent aucun désir sexuel pour elle, ni pour personne : il est asexuel. Ensemble, ils tentent de bâtir une nouvelle forme d’intimité.

En salles le 6 août 2025.

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