Cannes 2025 - SIRAT - Oliver Laxe
© Pyramide Distribution
Le paradis à côté, l’enfer en dedans
En lice pour la Palme d’or, Sirat, de l’Espagnol Oliver Laxe, pourrait être résumé par une célèbre citation de l’anarchiste Emma Goldman : « Si je ne peux pas danser, je ne veux pas prendre part à votre révolution. » Sublime.
« Il ne faut pas mettre du sens partout. Laissons les images “collisionner” les unes avec les autres, et faire exploser le sens », déclare Oliver Laxe en interview. Collision, explosion, le décor de Sirat est planté, et son champ lexical bien choisi. Le film du réalisateur franco-espagnol a dynamité la compétition officielle cannoise seulement un jour après son inauguration, et s’il n’est que peu pressenti pour la Palme d’or, il est assurément une Palme de cœur. Aussi étroit qu’un cheveu, et affûté comme une épée, pour paraphraser la citation d’ouverture de Sirat qui, en arabe, désigne le pont vers le Paradis. Mais le salut a un prix, et nos protagonistes vont devoir passer au-dessus de l’Enfer, par-delà les falaises craquelées du désert marocain et ses dunes létales.
Nos protagonistes, justement, pourraient sortir d’un Mad Max : Fury Road importé dans notre monde, la comparaison est évidente. Gueules cassées (parfois littéralement, certains comédiens, quasiment tous des non-professionnels, ayant subi des violences policières pendant les Gilets jaunes), anarchistes enfiévrés, le groupe mixte sillonne les routes dans leurs vans à la recherche de teufs. Un père et son fils, eux, viennent s’y greffer à la recherche d’une membre de leur famille qui a disparu, la fin du monde à leurs trousses.
La famille, c’est justement une notion qu’Oliver Laxe déconstruit en filigrane pour exalter le modèle de la famille choisie qui panse les plaies des autres et met en commun toutes les ressources. Il se différencie ainsi de la vision nihiliste de la plupart des films pré ou post-apocalyptiques, sur ce concept et comme sur bien d’autres. Sa grande force, outre ses images qui hantent et la violence de ses émotions, repose sur son identité sonore – reproduisant à merveille la transe suscitée par des heures de BPM, tout en s’aventurant dans des expérimentations qui rappellent le jeu vidéo.
Road-movie aussi tendre qu’impitoyable, Sirat est aussi punk que ses personnages. Une Palme de cœur, oui, assurément.
LÉON CATTAN
Sirāt
Réalisé par Olivier Laxe
Avec Sergi López, Bruno Núñez, Jade Oukid
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2025.
Un père et son fils parviennent à une rave perdue au cœur des montagnes du sud du Maroc. Ils cherchent Mar — fille et sœur — disparue depuis plusieurs mois lors de l’une de ces fêtes sans fin. Plongés dans la musique électronique et une liberté brute qui leur est étrangère, ils distribuent inlassablement sa photo. L’espoir s’amenuise, mais ils s’obstinent et suivent un groupe de ravers vers une dernière fête dans le désert. À mesure qu’ils s’enfoncent dans l’immensité brûlante, le voyage les confronte à leurs propres limites.
En salles le 3 septembre 2025.