RENCONTRE AVEC RACHEL LEE GOLDENBERG – « Je sais ce que c’est que de travailler dans un environnement quasi exclusivement masculin »

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Dans SWIPE, elle raconte la carrière de la cofondatrice de Tinder et créatrice de Bumble, Whitney Wolfe (incarnée par Lily James). Loin de livrer une simple success story à l’américaine, la réalisatrice met en lumière les dérives masculines du monde de la tech. Interview.

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire et de réaliser un film sur Whitney Wolfe plutôt que sur une autre femme entrepreneure américaine ?

Quand j’ai entendu parler de Whitney Wolfe, je ne pouvais pas croire qu’il n’y avait pas déjà un film sur elle ! Il y a dans son histoire tous les éléments dramatiques pour construire un scénario inspirant. Mais ce qui m’a réellement donné envie de faire ce film, ce qui a résonné en moi, c’est le fait que cette femme s’est construite dans un univers masculin, a été façonnée par les codes patriarcaux avant de décider de les déjouer. Elle commence par être l’unique femme de pouvoir [dans la start-up Tinder, ndlr]. Elle aime cette position et elle croit qu’il n’y a pas de place pour une autre femme dans ce milieu. Après ce qu’elle traverse [SWIPE la montre faisant face à du harcèlement sexiste, ndlr], elle se remet en question et commence à faire les choses différemment, à donner de l’importance à ses collègues féminines et à y trouver sa force.

Quand avez-vous entendu parler d’elle pour la première fois ?

Je n’avais pas entendu parler d’elle jusqu’à ce que mon producteur vienne me proposer cette idée en 2020. J’étais très surprise de découvrir une personnalité aussi importante dans l’univers de l’entreprenariat [Whitney Wolfe est devenue la plus jeune femme entrepreneure milliardaire, ndlr]. Elle est très connue dans le monde de la tech, mais pas à une plus grande échelle. C’était une autre bonne raison de faire ce film.

Quand j’ai regardé votre film, une expression m’est venue : « boys’ club ». Elle est définie par l’essayiste canadienne Martine Delvaux dans son ouvrage Le Boys Club [2019] comme « des hommes, le plus souvent blancs, le plus souvent hétérosexuels, le plus souvent assez riches, qui fonctionnent en circuit fermé ». Votre personnage évolue en effet dans ce monde très fermé, régi par des codes patriarcaux. Comment l’avez-vous pensé ?

C’est une très bonne expression ! Pour créer l’univers qui entoure mon personnage, j’ai combiné beaucoup de sources. J’ai lu tout ce que je pouvais sur l’affaire [Whitney Wolfe a porté plainte contre la société Tinder pour harcèlement sexuel en 2014, mais n’a pas pu s’exprimer publiquement puisqu’elle a signé un accord de confidentialité, ndlr]. J’ai regardé des interviews sur des gens qui travaillent dans ces start-ups. Puis, je me suis aussi intéressée plus largement au monde de la tech dans ces années-là, à savoir les années 2010.  

J’ai aussi travaillé dans une entreprise de tech, il y a longtemps. Je n’ai pas vécu ce qu’a vécu Whitney Wolfe, mais je sais ce que c’est que de travailler dans un environnement quasi exclusivement masculin.

Justement votre personnage quitte le boys’ club que représente la société Tinder pour fonder sa société Bumble… Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Comme je le disais, tout le film traite de cela et c’est ce qui m’a donné envie de le réaliser. Whitney réussit à évoluer dans cet environnement jusqu’à réussir à s’émanciper et à obtenir un véritable succès. Aujourd’hui, on sait grâce à #MeToo que les cas de harcèlement dans les entreprises ne sont pas rares, et malheureusement peu d’entre eux finissent avec en success story. Pour Whitney, c’est autre chose. Son histoire représente aussi un message d’espoir.

Dans votre filmographie, vous abordez plusieurs thématiques féministes, notamment dans Unpregnant (2020) qui parle du droit à l’avortement. En quoi SWIPE vient-il compléter votre travail ?

Je ne pense pas forcément mes films en connexion les uns avec les autres. Je pense simplement à ce que j’ai envie de raconter, et c’est souvent à propos de la condition des femmes dans ce monde. J’ai fait Unpregnant après avoir avorté, car j’avais envie de parler du droit à l’avortement. Quand l’histoire de Whitney Wolfe m’a été proposée, je l’ai vue comme une autre manière de parler des femmes dans des milieux dominés par les hommes. Et j’avais beaucoup à dire là-dessus !

Propos recueillis par Enora Abry

>>> Pour lire la critique de SWIPE, cliquez ici. 

SWIPE

Réalisé par Rachel Lee Goldenberg

Avec Lily James, Myha'la Herrold, Jackson White

Récemment diplômée de l'université, Whitney Wolfe fait preuve d'une détermination et d'une ingéniosité sans égales pour percer dans le secteur de la tech largement dominé par les hommes. Son instinct et son talent seront à l’origine d’une application de rencontres innovante et mondialement reconnue (deux, en fait), lui ouvrant ainsi la voie vers le titre de « plus jeune femme milliardaire autodidacte ».

Disponible sur Disney+