LES RÊVEURS - Isabelle Carré

© Christine Tamalet

Art-thérapie

Dans un récit semi-autobiographique, l’actrice Isabelle Carré raconte son passage en hôpital psychiatrique à l’adolescence et l’importance du théâtre dans sa reconstruction. Si la proposition reste scolaire, Les Rêveurs nous touche par la sensibilité de son écriture sur un sujet peu vu sur grand écran. 

En dix ans, le nombre d’hospitalisations des jeunes filles de 10 à 14 ans pour tentative de suicide a augmenté de plus de 246 % en France. C’est à partir de ce chiffre inquiétant, et en constante augmentation, qu’Isabelle Carré a décidé de raconter à l’écran sa propre histoire. Pour sensibiliser, alerter, mais aussi déstigmatiser les jeunes de cette tranche d’âge face à une absence de représentation pour eux de ces troubles à l’écran. Adaptation de son autofiction sortie en 2018, Les Rêveurs suit l’histoire de son alter ego, Elisabeth, comédienne qui, sur son temps libre, propose des ateliers théâtre dans les services de pédopsychiatrie. Le théâtre, cet art qui, elle, l’a sauvée de ses démons à l’adolescence. Face aux jeunes de 2025, elle se remémore son propre passage dans ce même service quarante ans plus tôt. Dans les années 1980, la jeune fille de 13 ans qu’elle était y est restée plusieurs semaines après une tentative de suicide, résultat d’un chagrin d’amour en surface, et plus profondément d’un climat familial complexe. Une première fois pour l’actrice derrière la caméra, qui interprète aussi logiquement le personnage d’Elisabeth à l’âge adulte, dans lequel elle s’implique totalement pour raconter sans tabou ce sujet éminemment personnel et qu’elle tend à rendre universel en dessinant à ses côtés toute une galerie de jeunes personnages.

Si la mise en scène et l’écriture demeurent globalement assez scolaires, on sent que le film se destine d’abord à un public jeune. La réalisatrice ose montrer frontalement le parcours mental et médical de son héroïne, de sa tentative de suicide à son entrée en psychatrie, qui se vit comme un déchirement pour elle – manière aussi de mettre en lumière l’impuissance des parents, eux-mêmes désarmés par la situation (formidables Judith Chemla et Pablo Pauly). Pas de romantisation ici du spleen adolescent, à la manière d’une Sofia Coppola (on pense un peu aux premières minutes de Virgin Suicides), mais des notes de poésie dans le chaos, symbolisées par les rêveries d'Elisabeth, qui adoptent la forme d’oiseaux prenant leur envol. Une grande sensibilité est mise à l’œuvre par Isabelle Carré pour faire passer petit à petit son héroïne de l’obscurité vers la lumière, et que l’on ressent aussi à travers son application à portraitiser la bande de jeunes qui l’entoure, interprétée par de jeunes comédiens convaincants, parmi lesquels on retrouve d’ailleurs la comédienne Mélissa Boros – récemment vue dans Alpha de Julia Ducournau. Un jolie film qui pose pour la première fois un regard sur l’évolution de la prise en charge de la santé mentale des jeunes entre hier et aujourd’hui, où l’on observe que si les traitements évoluent pour le mieux – Isabelle Carré met en avant l’importance de l’art-thérapie, davantage démocratisée aujourd’hui, dans son propre parcours –, les moyens de prise en charge, eux, diminuent face à la croissance des maladies mentales chez les jeunes et moins jeunes. 


MARGAUX BARALON

Les Rêveurs

Réalisé par Isabelle Carré

Avec Isabelle Carré, Judith Chemla, Tessa Dumont Janod

Élisabeth, comédienne, anime des ateliers d’écriture à l’hôpital Necker avec des adolescents en grande détresse psychologique. À leur contact, elle replonge dans sa propre histoire : son internement à 14 ans. Peu à peu, les souvenirs refont surface. Et avec eux, la découverte du théâtre, qui un jour l’a sauvée.

En salles le 12 novembre.

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