HOT MILK - Rebecca Lenkiewicz
© Manolo Pavón
Lait froid
Pour son premier long-métrage, la scénariste britannique Rebecca Lenkiewicz adapte un roman de Deborah Levy. Mais ne parvient jamais vraiment à incarner l’histoire de l’émancipation de Sofia, jeune femme étouffée par sa mère malade.
Nul n’a besoin d’une histoire alambiquée pour faire un bon film, et la trame narrative de certains chefs-d’œuvre peut se résumer en une ligne. Aucun, en revanche, ne peut se passer de beaux personnages. Dès les premières scènes de Hot Milk, premier long-métrage de la Britannique Rebecca Lenkiewicz, que l’on connaît surtout pour ses scénarios (Désobéissance, She Said), la volonté de donner de la chair à Sofia et Rose est palpable. Entre la première, jeune femme « éternelle étudiante » un peu discrète, et la seconde, aigrie et coincée dans un fauteuil roulant par une mystérieuse maladie qui l’empêche de marcher depuis des années, les relations sont ambiguës, malsaines. Il faut un peu de temps pour s’assurer qu’elles sont bien fille et mère – Sofia appelle Rose par son prénom – et saisir l’ampleur de leurs rancunes. Leur séjour à Almería, dans le sud de l’Espagne, est organisé pour consulter un médecin sur place. Mais toutes deux étouffent dans une existence qui ne leur appartient plus. Une fois ces enjeux posés, la troisième protagoniste de cette histoire, Ingrid, mystérieuse cavalière baroudeuse, apparaît – une véritable apparition, à cheval sur une plage, cheveux au vent, dont on ne sait pas bien si elle relève du rêve ou de la réalité. Et la moindre tentative de faire exister convenablement tout ce monde échoue ensuite irrémédiablement.
Les efforts de Rebecca Lenkiewicz pour souligner l’étrangeté de ses personnages vire à la démonstration faussement subversive. Le rapprochement entre Ingrid et Sofia est improbablement brutal, les révélations progressives autour du traumatisme de Rose trop orchestrées pour qu’on puisse se satisfaire du twist final et la métaphore de leurs carcans (Sofia cauchemarde qu’elle est coincée dans le fauteuil de sa mère, tandis que Rose ne cesse de réclamer à boire sans jamais étancher sa soif) d’une subtilité pachydermique. Paradoxalement, les trois femmes sont si éthérées qu’elles n’existent pas.
Pourtant, parfois, on se surprend à se demander ce qu’aurait pu être Hot Milk sans cette écriture balourde. Car il y a indéniablement une atmosphère et des idées, dans ces paysages espagnols écrasés de chaleur entre le désert et la plage, ou lorsque la route de Sofia croise celle de danseuses de flamenco aux mouvements presque agressifs. Il y a aussi deux grandes actrices, Fiona Shaw dans le rôle de Rose et Vicky Krieps dans celui d’Ingrid, qui mèneraient des athées à la messe. Elles auraient mérité un scénario à la hauteur de leur talent.
MARGAUX BARALON
Hot Milk
Réalisé par Rebecca Lenkiewicz
Avec Emma Mackey, Vicky Krieps, Fiona Shaw, Vincent Perez
Par un été étouffant, Rose et sa fille Sofia se rendent à Almeria une station balnéaire du sud de l’Espagne. Elles viennent consulter l’énigmatique docteur Gómez, qui pourrait soigner la maladie de Rose, clouée à un fauteuil roulant. Sofia, jusque-là entravée par une mère possessive, s’abandonne au charme magnétique d’Ingrid, baroudeuse qui vit selon ses propres règles. Tandis que Sofia s’émancipe, Rose ne supporte pas de voir sa fille lui échapper – et les vieilles rancoeurs qui pèsent sur leur relation vont éclater au grand jour…
En salles le 28 mai 2025.