FAMILY THERAPY - Sonja Prosenc
© Tajine Studio
Vivarium bourgeois
Pour son troisième long-métrage, la réalisatrice slovène Sonja Prosenc dissèque les relations ambiguës d’une riche famille. Alliant une esthétique aseptisée à un scénario cultivant la gêne grâce à de nombreux silences, elle livre une satire sociale qui emprunte à l’humour de Ruben Östlund et Yorgos Lanthimos.
Sonja Prosenc est une cinéphile et elle nous le fait savoir. Dans ses premiers plans, on entrevoit un peu de Wes Anderson, avec cette caméra immobile, son ratio 4/3 qui paraît enfermer les personnages dans un décor aux lignes bien symétriques. Mais il manque quelque chose…de la chaleur, sans doute. Si Sonja Prosenc a travaillé ses couleurs, c’est pour les rendre le plus froides possible et donner à son set principal (une villa aux murs blancs avec de grandes baies vitrées) des accents futuristes quasi dystopique. Dans ce vivarium à taille humaine vit une famille, les Kralj – un nom dont le père se gargarise puisqu’il veut dire « roi » en slovène. Et effectivement, ils semblent être au sommet du monde : riches, beaux et surtout inquiets de perdre ce statut privilégié. Seul un élément détonne : un nouveau venu, invité par le père, le jeune Julien (Aliocha Schneider), qui vient compléter ce tableau autant qu’il le perturbe par sa plus basse naissance. Que vient-il faire ici ? En accueillant ce quatrième membre, le père, Aleksander (incarné par Marko Mandic) offre un frère à sa fille et peut ainsi participer à un concours qui lui permettra d’envoyer sa nouvelle famille parfaite dans l’espace. Décidément, il serait prêt à tout pour aller plus haut…
Family Therapy agrège un bon nombre d’intrigues à son axe principal, et le plus impressionnant est qu’il le fait en silence. Dès le départ, le film étonne par ses dialogues lacunaires. Pourtant, en ces silences bien maîtrisés dans lesquels transparaît la grande performance des acteurs et des actrices, on ressent déjà les intentions autant que les tensions. Julien désapprouve les manières de ses hôtes qui n’hésitent pas à claquer la porte à une famille dans le besoin par peur qu’ils ne les volent. D’un même mouvement, cela ne l’empêche pas de lorgner sa nouvelle belle-mère, Olivia (Katarina Stegnar), et d’accorder une attention toute particulière à sa nouvelle petite sœur, Agata (Mila Bezjak). Alternant quelques scènes touchantes et des séquences d’humour noir ou absurde (notamment lors d’une réception donnée par les Kralj durant laquelle chaque invité surjoue les clichés de la haute bourgeoisie mondaine, ce qui n’est pas sans rappeler The Square de Ruben Östlund), Family Therapy convainc… du moins dans ses trois premiers tiers. Dommage que le dernier quart d’heure, à force d’accumuler plusieurs thématiques (enjeux de classes sociales, de sexualité troublée dans un monde marqué par sa rigidité), finisse par nous perdre et par tirer en longueur.
On retiendra toutefois de Family Therapy l’incroyable maîtrise de sa réalisatrice qui parvient à faire vivre son décor et son dispositif millimétré sans pour autant étouffer ses acteurs et ses actrices, et qui sait développer son propos en profondeur sans emprunter un ton moralisateur.
ENORA ABRY
>> Pour lire l’entretien avec la réalisatrice, cliquez ici.
Family Therapy
Réalisé par Sonja Prosenc
Avec Aliocha Schneider, Marko Mandić, Katarina Stegnar
Dans une villa de verre au luxe froid et aseptisé, une famille slovène aisée maintient l’illusion d’une vie parfaite. Mais leur équilibre artificiel vacille dangereusement quand un jeune français mystérieux, aux liens secrets avec le père, fait irruption dans leur quotidien.
En salles le 27 août 2025.