FAMILIA – Francesco Costabile
© Damned Films
Dans leurs regards
Dans son deuxième long-métrage, le réalisateur italien suit le parcours d’une famille qui tente de se défaire de l’emprise d’un père violent. Un scénario subtil, porté par un quatuor d’acteurs intense.
Après l’immense succès d’Il reste encore demain de Paola Cortellesi, le cinéma italien se penche une nouvelle fois sur le sujet des violences conjugales avec Familia, qui livre une représentation bien plus naturaliste. Ici, pas de scène de danse pour figurer les coups ou de musique entraînante pour contrebalancer la noirceur du propos, chez Francesco Costabile, la violence est livrée de manière crue. Pour cause, le film est tiré de l’autobiographie au style brut de Luigi Celeste, Non sarà sempre così (Il n’en sera pas toujours ainsi, 2017).
Dès la scène d’introduction, le spectateur est plongé dans le climat étouffant de la famille Celeste. Deux petits garçons, Luigi et Alessandro, se cachent dans leur chambre, mains sur les oreilles, pour ne pas entendre la violente dispute entre leurs parents, Licia et Franco. La caméra porte une attention particulière à leurs regards avant de s’attarder sur celui de la mère, d’une puissance rare. Nous découvrirons cette histoire à travers leurs trois points de vue, et ces trois destins croisés sont autant de façons de vivre et de réagir face aux violences. Au silence de Licia (hypnotique Barbara Ronchi) s’oppose l’agressivité croissante de Luigi (Francesco Gheghi, récompensé du prix Orizzonti à la Mostra de Venise) et la force calme d’Alessandro (Marco Cicalese).
Déroulant son scénario sur plus d’une décennie – nous quittons les garçons enfants quand leur père est emmené par la police, pour les retrouver jeunes adultes alors que Franco, sorti de prison, est bien décidé à récupérer sa place de patriarche – Familia prend le temps de développer avec subtilité ses personnages pour éviter l’unidimensionnalité. Luigi, rongé par une violence qu’il exalte en se rapprochant de groupuscules néofascistes, vit dans la peur de ressembler à son père et devenir brutal avec sa première petite amie. De son côté, Licia oscille entre la résignation et la révolte, tandis qu’Alessandro quitte son rôle de conciliateur pour affirmer sa colère. Face à eux, il n’y a qu’une entité qui ne bouge pas, celle du père, qui apparaît comme une fatalité impossible à combattre.
Bien que le récit s’ancre dans la sphère familiale, Francesco Costabile n’oublie pas de peindre la société italienne qui entoure ses personnages pour nourrir son récit (un mélange dont il avait déjà usé pour son premier long-métrage, Una femmina, qui liait secrets de famille et conflits avec la mafia de Calabre). Ainsi, il met en avant sa violence tonitruante (via les partis néofascistes) mais aussi sa violence sourde, celle des gens qui se taisent et des services de police impuissants car incompétents. Un alliage qui ne peut mener qu’à la tragédie.
ENORA ABRY
Familia
Réalisé par Francesco Costabile
Ecrit par Francesco Costabile et Vittorio Moroni
Avec Francesco Gheghi, Barbara Ronchi, Francesco Di Leva
Italie, 2024
Rome, début des années 2000. Licia élève seule ses fils Gigi et Alessandro, suite à une mesure d’éloignement de Franco, leur père dont la violence a marqué leur enfance. Gigi grandit en trouvant refuge auprès d’un groupe néofasciste et reproduit peu à peu le schéma paternel. Après dix ans d'absence, Franco réapparaît, bien décidé à retrouver sa place au sein de ce qu'il considère comme son foyer.
En salles le 23 avril 2025.