Cannes 2025 - DIE MY LOVE – Lynne Ramsay
© Black Label Media
Feu de paille
Très attendu sur la Croisette – la hype devant beaucoup au glamour du casting (Jennifer Lawrence et Robert Pattinson) – le cinquième long de Lynne Ramsay déçoit avec une représentation aussi clichée que problématique de la dépression post-partum.
Les dix premières minutes promettaient une Palme d’or. Après une succession de scènes de danses endiablées sur une musique rock, le titre s’affiche – comme un avertissement – devant une forêt en feu. Où va donc nous mener cette passion dingue entre Grace (Jennifer Lawrence) et Jackson (Robert Pattinson) ? Le disque va se rayer à l’arrivée du premier enfant, dont Grace s’occupe dans sa vieille maison perdue au milieu de nulle part tandis que son mari travaille en tant que routier. Mais attention, Grace n’est pas une femme au foyer comme les autres, she is so crazy ! Elle ne fait pas les tâches ménagères, elle boit des bières en dansant avec son bébé, et dès que l’occasion se présente, elle marche à quatre pattes dans les fourrés en faisant des bruits d’animaux. Sauf que derrière la maman cool et punk se cache en réalité une femme en pleine dépression post-partum…
Ce sujet qui a maintes fois fait le sel des tragicomédies romantiques (comme Un heureux événement ou le singulier The Extraordinary Tale of the Times Table) est cette fois-ci traité sous l’angle purement dramatique. Très vite, les écarts de Grace – jouer avec des couteaux à côté de son fils, se mettre nue sans raison – ne nous amusent plus, mais nous crispent. Le personnage souffre, c’est indéniable, et la caméra n’essaie pas de tourner ces tourments en ridicule. En tant que spectateur, on se croit alors parti pour un voyage dans la psyché de ce personnage complexe, jalonné par des réflexions tout aussi fines que troublantes autour de la maternité (qu’attendre d’autre de la réalisatrice du superbe We Need to Talk About Kevin ?). Mais non. Nous n’aurons droit à rien d’autre qu’une Jennifer Lawrence qui fait le chien, qui pleure durant grandes balades en forêt pour se donner un air mystérieux, qui hurle en frappant des murs et qui, surtout, a envie de baiser.
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Quand les cinéastes arrêteront-ils de présenter les femmes aux problèmes psychologiques comme des bombes sexuelles ? Enfin, lorsqu’elles sont jeunes et belles (et souvent blondes, d’ailleurs). De A Dangerous Method à En attendant Bojangles en passant par Melancholia, chaque type de trouble s’accompagne d’une sexualité exacerbée, incontrôlable, voire dangereuse. Die My Love s’enlise dans ce cliché vieux comme le monde, jusqu’à tenter de lui dédier un arc narratif dans lequel Grace s’encanaille avec un voisin qui habite de l’autre côté de la forêt. Une situation qui ne mènera nulle part (la faute à un bûcheron, certainement, qui aurait fait le montage du film à la hache afin qu’il soit prêt pour Cannes ?).
À côté, Robert Pattinson fait pâle figure en mari impuissant face aux emportements de sa femme. Si son envie de préserver son couple peut être touchante, son inaction condamne le récit à tourner en rond (ils s’engueulent, elle part, elle pleure, il la retrouve, ils s’engueulent, elle part…). Et Lynne Ramsay a beau ajouter toutes les musiques les plus rock de sa playlist Spotify (dont une interprétée par les Chipmunks, ce qui fonctionnait curieusement bien avec la séquence), elle ne parvient pas à redonner du peps à ce scénario en manque cruel de nuance et de fond. Dommage, ce bel incendie de forêt de la scène d’ouverture n’était en réalité qu’un feu de paille.
ENORA ABRY
Die My Love
Réalisé par Lynne Ramsay
Avec Jennifer Lawrence, Robert Pattinson et Lakeith Stanfield
Ce film est présenté en Compétition officielle au Festival de Cannes 2025.
Dans la campagne française, une femme se bat contre ses propres démons.
Prochainement en salles.