DIAMANT BRUT – Agathe Riedinger
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En mal d’éclat
Agathe Riedinger questionne, sans jamais juger, la performance de la féminité comme espoir d’ascension sociale. Malheureusement, certains procédés de mise en scène sont sans cesse recyclés et s’épuisent, jusqu’à dresser un portrait qui reste assez superficiel.
Sur le papier, Diamant Brut avait tout d’un film important, notamment parce que la réalisatrice se saisit d’un sujet encore largement méprisé. Sous le soleil de Fréjus et dans un contexte social et familial compliqué, Liane, dix-neuf ans, attend impatiemment la réponse d’un casting pour participer à une émission de téléréalité. On la suit dans cette quête de célébrité à travers son intimité. Elle s’y dévoile, aussi fragile que solide, mais en tout lieu déterminée. L’histoire de Liane, c’est celle d’une jeune femme issue d’un milieu populaire qui renégocie sa condition par les seules ressources qu’elle peut mobiliser : surinvestir sa féminité. Quel geste que d’imposer le récit de cette femme qui, réceptacle des contradictions du patriarcat, n’intéresse pas le cinéma.
Mais des analyses sociologiques pertinentes ne sauraient à elles seules faire un film. Justement, la réalisatrice peine à s’exprimer à travers la mise en scène, car la manifestation de ses idées est souvent réduite aux mêmes procédés. Ces scènes de maquillage et de transformation sont certes intéressantes et subversives, elles dessinent la profondeur du personnage par des gestes qu’on associe à la superficialité. Pour autant, ces dispositifs finissent par se répéter et définir le personnage sous des coutures étroites et simplifiées. Pareillement, lorsque Liane répète tout au long du film qu’elle va réussir, ces exclamations ne suffisent pas à habiter le personnage. Ainsi, Agathe Riedinger ne parvient jamais vraiment à saisir le corps qu’elle filme. C’est problématique, car ce manque de maîtrise installe une distance avec l’expérience du personnage, et empêche le public de s’identifier à elle – quand bien même il se fait le témoin de sa vulnérabilité. La réalisatrice poursuit alors malgré elle la marginalisation de ce corps.
Le plus dérangeant reste encore la relation du personnage aux gadgets qui semble parfois être détournée. Avec son recours excessif aux motifs pour raconter le personnage de Liane (bruit des faux ongles sur le téléphone, paillettes à gogo…), Agathe Riedinger fait preuve de maladresse car elle utilise les fragilités du personnage pour donner de la texture à son film.
Certaines réflexions de la réalisatrice restent cependant à valoriser, car elles offrent de belles surprises. Les contradictions qui traversent Liane y sont, à certains endroits du film, finement articulées. À commencer par le décalage entre le pouvoir que lui concède sa féminité et les interprétations malsaines et déplacées qui lui sont associées. Finalement, la prudence de la réalisatrice l’empêche de créer un personnage véritablement incarné mais lui permet aussi d’éviter un certain manichéisme. C’est particulièrement le cas lorsqu’elle filme la tendresse échangée entre Liane et Dino, sans tomber dans un arc narratif romantique ô combien prévisible.
Cette critique est peut-être trop exigeante, car Diamant Brut est un film intéressant. C’est le résultat de cette frustration que l’on ressent face à un film qui n’exploite pas tout ce qu’il aurait pu être. Le titre du film, Diamant Brut, cristallise alors la sensation qui nous traverse au sortir de la salle de cinéma : des idées intéressantes insuffisamment mises en scène, un potentiel qui reste à sublimer, et surtout, ce besoin urgent de sortir de l’idée pour aller tailler, maîtriser, exploiter la matière filmique. Nous voilà dans l’impatience de voir ce que Agathe Riedinger peut créer si elle se dégage de son intellectualité.
Victoria Faby
Diamant Brut
Écrit et réalisé par Agathe Riedinger
Avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond
Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island ».
En salles depuis le 20 novembre