Les films qu’on a repérés à L’Étrange Festival

Cette année encore, la rentrée a été marquée par le retour de L’Étrange Festival. La sélection laissait une belle place aux réalisatrices et aux personnages féminins, avec la présence (entre autres) de Fucktoys et Gorgonà en compétition, La Tour de glace en séance spéciale… Sorociné a sélectionné quelques titres de cette trente-et-unième édition.


Lesbian Space Princess, Emma Hough Hobbs, Leela Varghese

Dans ce film d’animation australien, une princesse de l’espace casanière et introvertie est poussée dans une aventure galactique pour sauver son ex-petite amie. Le récit aborde la confiance en soi et brise l’injonction à être en couple, dans une profusion de gags. L’animation est superbe et le soin apporté à chaque image vaut le coup d’œil. À force de vannes à la seconde, le film frôle parfois le cabotinage, mais l’ensemble fait mouche, avec un fort potentiel pour devenir culte (surtout auprès des fans du deuxième volet de Twilight – on n’en dira pas plus). La qualité du doublage original mérite aussi, à elle seule, le détour. MF


The Things We Keep, Joanna Fernandez

Rien de tel que le registre horrifique pour aborder le poids de la culpabilité maternelle et des traumatismes intergénérationnels. Dans son court-métrage The Things We Keep, la réalisatrice Joanna Fernandez met en scène une jeune femme à bout de forces, qui tente d’aider sa mère sénile à mettre de l’ordre dans un appartement surchargé. Cette mobilisation du syndrome de Diogène pour matérialiser une maternité suffocante n’est pas sans rappeler le récent Crasse, avec ce même recours au poisseux et à une photographie verdâtre pour raconter la morbidité des liens affectifs. Ici, c’est l’appartement lui-même, envahi par les souvenirs et par les ordures, qui se fait gardien du secret familial et assure sa continuité de génération en génération. MA


Dead Lover, Grace Glowicki

Attention, OFNI. Dead Lover mêle cinéma, théâtre filmé, bricolage et drag show à travers l’histoire d’une fossoyeuse qui souhaite faire ressusciter son défunt amant. Grace Glowicki ne s’embarrasse pas des conventions modernes du septième art : quelques acteur·ices changeront de perruque pour interpréter différents personnages, un studio suffira pour bâtir tous les décors. On est plus proche d’une œuvre de Méliès que de la dernière adaptation de Frankenstein, et c’est ce qui fait le charme de ce film burlesque plein de créativité et surtout très drôle. Il faut adhérer à la proposition, mais ça fait un bien fou de voir quelque chose de réellement non conventionnel avec un personnage féminin qui sent le cadavre et enchaîne les malheurs en amour. MF


Weathered, Karina Casañas Invernon, Jáchym Bouzek

« Une morne silhouette cherche sa place dans un monde qui va trop vite ». C’est en ces termes qu’est présenté Weathered, le court-métrage de fin d’études de Karina Casañas Invernon et Jáchym Bouzek. Une capsule mélancolique, où une marionnette grandeur nature aux traits ouatés tente, jour après jour, d’évoluer dans une ville qui court sans l’attendre. En ayant recours à la stop-motion en pleine ville, les réalisateur·ices arrivent à retranscrire à la perfection le sentiment de dépassement, la perte d’identité et la solitude immense des grandes villes. MA


Kazakh Scary Tales, Adilkhan Yerzhanov

Présenter Kazakh Scary Tales comme un film complet sans contexte ne rend pas justice à l’œuvre, puisque le ou plutôt les productions diffusées sont bien les trois premiers épisodes d’une série de folk horror destinée à la plateforme de streaming kazakh (et on espère qu’un diffuseur français mettra un jour la main dessus !). Écrite et réalisée par Adilkhan Yerzhanov, habitué de l’Étrange Festival, elle suit un détective muté au fin fond de la campagne, dans une région où règnent superstitions, tabous et corruption. Accompagné par une jeune médium, il se retrouve à creuser dans le passé de Karatas, dans une sorte de Millenium fantastique. Il faut attendre le troisième (et meilleur) épisode pour que la série dévoile tout son potentiel tragicomique, et traite surtout ouvertement des supplices infligés aux femmes dans les milieux où chacun sait mais personne ne parle. Le sujet était d’ailleurs aussi abordé dans Cadet, un autre film de Yerzhanov cette fois présenté en compétition. MF


©PUNCH ONCE PRODUCTIONS

I Live Here Now, Julie Pacino

Aimez-vous Twin Peaks et Suspiria ? C’est le cas de Julie Pacino, qui n’hésite pas à en multiplier les références, dans un premier long-métrage qui oscille entre l’hommage et la citation appuyée. I Live Here Now commence par une grossesse non désirée, celle de Rose qui se croyait stérile après une violente opération dans son enfance. Pour procéder à son avortement médicamenteux, elle se rend dans un étrange motel aux murs rougeâtres et à l’esthétique rétro. Elle y passe une nuit hallucinée, où la réalité se déforme et où elle croise d’étranges personnages résonnant avec ses souvenirs. Si l’esthétique du motel convoque directement l’esthétique et la colorimétrie de Suspiria, c’est davantage dans l’univers de David Lynch que la réalisatrice plonge, à base de cauchemars multiples et de döppelgangers. Le tout dans un joyeux bazar psychanalytique, dont le côté cathartique se révèle parfois plaisant, mais pour lequel on regrettera une fin surexplicative aux gros sabots, qui soustrait au film toute sa part de mystère. MA



MANON FRANKEN ET MARIANA AGIER.

Précédent
Précédent

DALLOWAY – Yann Gozlan

Suivant
Suivant

SIRAT - Oliver Laxe