SEBASTIAN – Mikko Mäkelä

© Manolo Pavón

Jeune et joli

Après Entre les roseaux, le réalisateur finlandais Mikko Mäkelä continue son exploration du désir masculin dans Sebastian. Il y raconte l’histoire d’un jeune écrivain devenu escort pour donner matière à son premier roman. Un scénario qui ne se démarque pas par son originalité, mais par sa subtilité, portée par la performance de ses acteurs.

Dès le départ, on sait où on met les pieds. Il n’y aura pas de surexplication de chaque acte, seulement la monstration des sensations du personnage et quelques dialogues rapides sur ses ambitions – pour le reste, à nous d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Le film s’ouvre sur une scène de sexe entre deux hommes, un plus âgé et un jeune qui se fait appeler Sebastian. La caméra s’attarde sur le visage de ce dernier, visiblement mal à l’aise mais qui finit par se détendre quand il se concentre sur sa propre performance. Sebastian, de son vrai nom Max, est escort la nuit et journaliste aspirant écrivain le jour. Entre ses critiques littéraires et les quelques nouvelles qu’il publie, il tente d’écrire son premier roman en s’inspirant de ses expériences de travailleur du sexe.  

Mettre en scène un personnage d’écrivain dans des situations atypiques, voire dangereuses, pour stimuler sa créativité et faire fondre progressivement les barrières entre sa réalité et les fictions qu’il invente n’est pas un ressort scénaristique très novateur. Rien que ces dernières années, on peut penser à Sybil de Justine Triet (2019) avec une psychologue qui écrit sur l’histoire de sa patiente ou au livre et à la série La Vérité sur l'affaire Harry Quebert (2012 et 2018) dans lesquels un écrivain se retrouve au coeur d’une enquête policière. Mais dans Sebastian, Mikko Mäkelä a l’intelligence d’éviter la mue en thriller pour proposer une analyse des aspirations de son personnage, sans tomber dans la surinterprétation.

À la manière de Jeune et jolie de François Ozon, le spectateur suit la succession de nouvelles expériences sexuelles de son personnage dans laquelle on entrevoit une sorte de quête de soi. Sebastian teste ses limites, découvre ses envies. Ainsi, Mikko Mäkelä ne brosse pas un portrait misérabiliste de son personnage ou de sa condition, ce qui est malheureusement trop souvent le cas dans les fictions sur les travailleurs et travailleuses du sexe. Au contraire, il oppose la vision commune que les gens peuvent en avoir (à travers des dialogues avec une éditrice) à celle de Sebastian qui donne un peu de poésie, dans ses écrits, à ce qu’il a vécu. Si la fin de cette promenade dans la tranche de vie de ce jeune homme ne laisse pas un souvenir impérissable, on retient tout de même au sortir du film les performances touchantes des acteurs principaux (Ruaridh Mollica, Jonathan Hyde) et l’apparente justesse de son propos.

ENORA ABRY

Sebastian

Réalisé par Mikko Mäkelä

Avec Ruaridh Mollica, Hiftu Quasem, Jonathan Hyde

Grande-Bretagne, Finlande, Belgique, 2024

Max, un aspirant écrivain de 25 ans, mène habilement son chemin vers le succès dans les sphères culturelles de Londres. La nuit, il s’adonne à une toute autre activité : il vend ses charmes auprès d’hommes plus âgés sur des sites d’escorting sous le pseudonyme de Sebastian. Il décide d’utiliser cette expérience pour nourrir son premier roman. Tandis que Max s’efforce de maintenir un fragile équilibre dans sa double-vie, il doit comprendre si Sebastian n’est réellement qu’un avatar pour obtenir la plus grande authenticité dans son écriture, ou s’il se révèle être plus que ça.

En salles le 9 avril 2025.

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