RENCONTRE AVEC VALENTINE CADIC: « Je suis toujours surprise de voir à quel point on peut s’identifier à des personnes qui n’ont pas les mêmes passions que nous sur les réseaux »
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Réaliser un film sur un événement très récent est un pari plus que périlleux. Et réussi dans Le Rendez-vous de l’été, premier long-métrage de Valentine Cadic, qui se déroule pendant les Jeux olympiques de Paris. Il faut dire qu’il ne porte pas tout à fait sur cette parenthèse estivale qui a retourné la capitale le temps d’un été, mais sur la trajectoire d’une jeune femme, Blandine, qui se dépatouille tant bien que mal entre errances, fulgurances et querelles familiales. Interview.
Dans Le Rendez-vous de l’été, vous retrouvez Blandine Madec, comédienne qui a également joué dans votre précédent court-métrage, Les Grandes Vacances (sous son vrai nom). Qu’est-ce qui vous a donné envie de renouveler cette collaboration trois ans après ?
Blandine Madec et moi nous sommes rencontrées il y a huit ans, en jouant dans un film de Rémi Bassaler. Elle a beaucoup fréquenté le conservatoire et fait beaucoup de théâtre, mais Les Grandes Vacances a été son premier rôle principal dans un court-métrage. J’avais beaucoup apprécié son autodérision et sa sensibilité. Du coup, quand le producteur Arnaud Bruttin, qui connaît mon appétence pour le documentaire, m’a parlé des Jeux olympiques deux avant l’événement, j’ai immédiatement pensé à Blandine. Avec ma co-autrice Mariette Désert, nous imaginions d’abord une trame sur l’à-côté des JO, puis en nous entretenant avec des sportifs, nous avons donné à l’événement une place plus centrale. Et axé l’intrigue sur la solitude du personnage de Blandine.
Vous avez aussi été actrice. Pensez-vous que cela influe sur votre manière de diriger vos comédiens ?
J’ai été actrice, mais j’ai aussi été assistante de production et régisseuse. On apprend beaucoup en passant de l’autre côté de la caméra, et j’ai pu voir comment fonctionnaient les tournages grâce à cela. En tant que comédienne, je sais que, parfois, on nous donne des explications qui n’aident pas forcément, et que cela peut être compliqué de manier l’improvisation par exemple. Or, c’est très important dans mon cinéma, j’ai notamment été très inspirée par le travail du réalisateur Guillaume Senez sur ce sujet. Cela a beaucoup compté pendant le tournage, vu que le dispositif était mouvant, il fallait s’adapter.
Le personnage de Blandine va principalement aux JO pour voir Béryl Gastaldello, une nageuse qu’elle adore et qu’elle suit sur Instagram. C’est l’opportunité d’aborder les relations parasociales, qui sont devenues de plus en plus importantes avec le développement des réseaux sociaux.
Je suis toujours surprise de voir à quel point on peut s’identifier à des personnes qui n’ont pas les mêmes passions que nous sur les réseaux. C’est un espace qui peut être très violent, mais où l’on peut tirer une forme de réconfort, car on sait beaucoup de choses sur la vie de certains. En l’occurrence, c’est Mariette Désert qui a découvert le profil de Béryl, et son parcours m’a beaucoup intéressée ; de nombreux sportifs ne parlent de santé mentale qu’à la fin de leur carrière, alors qu’elle a pris la parole très jeune sur le sujet et sur la précarité de son métier. Je suis ravie de l’avoir rencontrée.
Le mot « solitude » revient beaucoup quand on parle du Rendez-vous de l’été, mais on peut avoir l’impression que Blandine est moins seule que sa sœur par exemple, qui est toujours au bord de la rupture.
Dans le film, la solitude n’a pas de connotation négative. Au contraire, c’est une richesse qui permet de se questionner sur soi. Blandine sait assez bien qui elle est, et ce qu’elle veut. Sa sœur Julie se démène avec son ex-mari et sa petite fille, mais elle aussi se sent seule. En fait, tous les personnages sont confrontés à cette problématique, car on peut se sentir très seul alors qu’on est entouré.
Vous êtes cofondatrices du collectif féministe Les Filmeuses. À quel point cet engagement est-il important pour vous ?
Avec des amies, nous avons créé l’association entre l’école Louis-Lumière et l’université Paris-VIII, où j’ai étudié. L’idée de base, c’est de faire vivre un espace d’entraide pour réaliser des films autoproduits. L’autoproduction, qui a été mon modèle économique sur tous mes courts-métrages, n’est pas de tout repos, et en même temps, c’est une grande liberté. Les membres des Filmeuses ont toutes des activités différentes dans l’industrie, nous nous donnons des coups de main ponctuellement et entretenons des liens avec certaines structures comme le festival de courts féministe de Montreuil.
Quelles sont les cinéastes qui vous ont influencée ?
Il y a Agnès Varda pour son lien à la fabrication. Elle a détaillé son dispositif dans Les Glaneurs et la Glaneuse, « Je prends ma caméra et j’y vais », et a aussi tiré sa grossesse à profit dans certains de ses films – bref, elle prône une instantanéité dans laquelle je me retrouve, et a aussi trouvé une liberté en produisant ses films. La production est au cœur du cinéma, donc forcément, cela m’intéresse.
J’adore aussi Claire Simon. Elle a été ma prof à l’université, et elle m’a beaucoup poussée, et valorisé mon travail, ce qui a engendré un déclic chez moi, un sentiment de légitimité là où on a parfois l’impression de ne pas être compris ni entendu dans le processus de création. J’ai été frappée par sa générosité et son humilité.
LÉON CATTAN
Le Rendez-vous de l’été
Réalisé par Valentine Cadic
Avec Blandine Madec, India Hair, Arcadi Radeff
Au cœur des Jeux olympiques de Paris 2024. Blandine, 30 ans, est venue de Normandie pour assister aux compétitions de natation et retrouver une demi- sœur perdue de vue depuis 10 ans. Habituée au calme et à la solitude, Blandine découvre une ville bouillonnante dont elle n’a pas les codes. Au fil des jours, la jeune femme fait des rencontres, se perd, hésite, tente de (re)tisser des liens et de naviguer au cœur d’un Paris enfiévré par cet événement hors normes…
En salles le 11 juin 2025.