QUI BRILLE AU COMBAT – Joséphine Japy

© Association Française du Festival International du Film

Premières étincelles

En s’inspirant de son vécu, l’actrice et à présent réalisatrice Joséphine Japy raconte l’histoire de Marion, dont la sœur Bertille est atteinte d’un handicap neurologique lourd. Mettant l’accent sur les difficultés à vivre dans un tel environnement familial, sans verser dans le misérabilisme, elle livre un premier long-métrage au scénario fort, quoique parfois inégal.

On peut être choqué par les dialogues crus de Qui brille au combat. Dans une des premières scènes du film, Marion (Angelina Woreth) discute avec sa mère, Madeleine (Mélanie Laurent), de sa petite sœur Bertille (Sarah Pachoud), atteinte d’un lourd handicap neurologique qui la coupe presque entièrement de ce qui l’entoure. Est-ce qu’elle pense parfois à ce qu’ils feront quand cette dernière décédera ? Car cela peut arriver d’un jour à l’autre... Voir une mère évoquer sans détour la possible mort de l’un de ses enfants peut paraître brutal, voire amoral. Et c’est ici que réside toute la force du scénario de Joséphine Japy : sans faire l’impasse sur les moments de joie dans la famille (le film s’ouvre d’ailleurs sur une scène jouissive de bataille d’eau dans la cuisine entre Madeleine et ses deux filles), il insiste sur l’épuisement dû au fait de devoir organiser sa vie autour d’une seule personne, sur la lassitude d’être ballotté d’un service médical à l’autre sans obtenir de diagnostic fiable… La famille entière vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Si, face à cela, Madeleine et Marion sont réalistes et pragmatiques, le père, lui, s’arrange pour être le moins souvent possible à la maison.

Condensant son histoire sur quelques semaines, Joséphine Japy parvient à livrer un scénario rythmé puisqu’il s’attache à décrire un point de bascule : Marion passe son bac, s’en ira bientôt pour ses études supérieures, et l’équilibre précaire de la famille va alors vaciller. La mère n’aura plus d’épaule sur laquelle se reposer et la jeune adolescente va devoir apprendre à vivre en dehors de ce cocon pourtant si bien réglé. Joséphine Japy met en scène ces doutes et ces basculements progressifs avec une minutie et une tendresse qui évitent au film de tomber dans deux écueils : celui du pamphlet plein de bons sentiments ou autre contraire celui du drame à gros violons.

© Association Française du Festival International du Film

Cependant, si elle cultive aussi bien l’art de l’entre-deux dans son écriture du récit familial, il n’en est pas tout à fait de même pour l’histoire propre de Marion. Une partie du scénario la montre en dehors de sa famille, avec ses amies. Même si ce choix est intelligent (on ne peut réduire la vie d’une adolescente à la relation qu’elle entretient avec sa mère et sa sœur), il se prend un peu les pieds dans le tapis en voulant brasser trop de thématiques. Lors d’une virée en bateau, Marion va faire la connaissance de Thomas (Félix Kysyl), un trentenaire propriétaire d’un restaurant, avec qui elle va entamer une relation. Parfois drôle, mais le plus souvent autoritaire, méprisant, voire violent, Thomas n’est pas la figure rassurante que Marion semble tant chercher. Ainsi, la réalisatrice souhaite montrer l’asymétrie dans ce type de relation transgénérationnelle, mais ne va malheureusement pas au bout de ce sujet… puisque, justement, ce n’est pas le sujet de son film.

On retiendra tout de même de Qui brille au combat l’exceptionnelle performance des acteurs et actrices (notamment Angelina Woreth qui allie parfaitement force et sensibilité), la virtuosité de la caméra de la primo-réalisatrice, et la finesse de certains dialogues. Une chose est sûre : une cinéaste est née.


ENORA ABRY

Qui brille au combat

Réalisé par Joséphine Japy

Avec Angelina Woreth, Mélanie Laurent, Sarah Pachoud

Qui Brille au Combat est le sens étymologique du prénom Bertille, la plus jeune des deux sœurs de la famille Roussier, atteinte d’un handicap lourd au diagnostic incertain. La famille vit dans un équilibre fragile autour de cet enfant qui accapare les efforts et pensées de chacun, et qui pourrait perdre la vie à tout moment. Chacun se construit, vit comme il peut avec les exigences de ce rythme et les incertitudes qui l’accompagnent. Les parents, Madeleine et Gilles, la sœur aînée, Marion. Quel quotidien et quels avenirs pour une mère, un père, un couple, une adolescente que la responsabilité ​ de sa cadette a rendu trop vite adulte ? Lorsqu’un nouveau diagnostic est posé, les cartes sont rebattues et un nouvel horizon se dessine...

En salles le 31 décembre 2025.

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