Nos psys préférées à l’écran
Tous les mois, la rédaction de Sorociné vous partage ses coups de cœur thématiques. En novembre, on célèbre la sortie de Vie Privée, le nouveau film de Rebecca Zlotowski, dans lequel Jodie Foster incarne Lilian Steiner, une psychiatre reconnue qui enquête sur la mort d’une de ses patientes. Pour l’occasion, Louise Bertin, Alicia Arpaïa, Diane Lestage et Enora Abry sont revenues sur quelques-unes de leurs psys préférées du petit et grand écran.
Sibyl, Justine Triet, 2019
Copyright Les Films Pelléas
Alors qu’elle s’apprête à arrêter son activité de psychanalyste pour se consacrer à l’écriture, Sibyl (Virginie Efira) s’attache à Margot (Adèle Exarchopoulos), une jeune comédienne tourmentée qui la sollicite jour et nuit. Se noue alors une relation de codépendance : Margot ne peut plus prendre la moindre décision seule, tandis que Sibyl utilise les récits de sa patiente comme matériau pour son roman. Comme Lætitia, Victoria ou Sandra dans les autres films de la cinéaste, Sibyl est une figure féminine profondément complexe, qui tente tant bien que mal de naviguer entre les aléas et les drames de son existence. En multipliant allers-retours et flashbacks vers les événements qui ont marqué la vie de son personnage (la mort de sa mère, sa relation avec sa sœur ou avec son ancien amant), Triet dessine un portrait-puzzle, presque labyrinthique, qui résiste à toute simplification comme à tout cliché. La thérapie est ici un métier pour Sibyl, mais aussi un thème et une structure pour la réalisatrice : sursauts de l’inconscient, analyses et réflexions rythment la mise en scène et en déterminent la forme. Quelques années avant sa Palme d’or pour Anatomie d’une chute, Triet met déjà en scène l’engrenage du chaos qui se referme sur un personnage perdu entre ses histoires vécues et racontées. L.B.
Crazy Ex-Girlfriend, Aline Brosh McKenna et Rachel Bloom, 2015-2019
Copyright John P. Fleenor/The CW
Si vous nous suivez, vous savez à quel point la série Crazy Ex-Girlfriend tient une place de choix dans le cœur de la rédaction de Sorociné. Et impossible de ne pas citer LA psy de ce show, qui rappelons-le cache derrière son enrobage de comédie romantico-musicale une réflexion passionnante sur les questions de santé mentale. Cette psy, c’est le Dr Akopian, thérapeute attentive et patiente qui va guider le personnage de Rebecca dans une thérapie qu’elle se refusait jusqu’alors. Quand on la découvre, notre héroïne toque à sa porte pour une ordonnance médicamenteuse auquel la psychanalyste s’oppose, cernant très vite la persona de sa patiente. “Votre ancien médecin vous a fourni un pansement, pas un remède. Ma méthode consiste d’abord à fouiller ce qu’il y a dans votre tête. On verra pour la suite”. Les rendez-vous psys de Rebecca, parfois laborieux - on vous a dit que cette psy était patiente ? - deviennent dès lors un des piliers de sa vie, et donc de la série, posant des mots sur les troubles. Cerise sur le gâteau, son interprète Michael Hyatt est aussi une formidable chanteuse à qui l’on doit l’un des plus iconiques morceaux musicales de la télé américaine, “Anti-depressants are so not a big deal” (S4E12), qui sur un air à la “La La Land” nous déculpabilise de prendre des anxiolytiques. Aussi efficace qu’un passage sur le divan ! A.A
Les Sopranos, David Chase, 1999-2007
Copyright HBO
Impossible d’évoquer des personnages de psys au cinéma sans citer la célèbre psychiatre de Tony Soprano, Jennifer Melfi, à laquelle la comédienne Lorraine Bracco (Les Affranchis) prête son visage, dans l’incontournable série de David Chase, Les Sopranos (1999-2007). En réalité, tout le pitch de la série se situe dans son cabinet, puisque dès le premier épisode, le protagoniste mafieux Tony Soprano (James Gandolfini) décide de la consulter après avoir été victime de crises de panique à répétition. Dès lors, par sa place de confidente, elle est à la fois le second personnage principal des Sopranos et une porte d’entrée pour les téléspectateur·ices dans l’univers de cette famille de la mafia américano-italienne. Violence, relations familiales complexes, angoisses, politique… Jennifer Melfi se fait témoin des nombreux changements d’époques correspondant au passage des années 1990 aux années 2000. Personnage féminin complexe et indépendant, elle permet une mise en lumière des dilemmes moraux auxquels est confronté Tony Soprano. Inoubliable et culte, comme la série ! D.L.
Deux Moi, Cédric Klapisch, 2019
Copyright STUDIOCANAL/Emmanuelle Jacobson-Roques
Puisque nous avons déjà vu tant d’histoires d’amour et de ruptures au cinéma, pourquoi ne pas raconter l’avant ? Avec ce postulat de départ hyper original, Cédric Klapisch suit deux âmes sœurs, Rémy et Mélanie (incarnés par François Civil et Ana Girardot), avant qu’elles ne se rencontrent. Perdus dans Paris avec l’impression de n’être personne, les futurs tourtereaux tentent tant bien que mal de reprendre le contrôle de leurs vies. Et c’est là qu’entre en scène la psy de Mélanie, jouée par la formidable Camille Cottin ! Empruntant aux airs nonchalants un tantinet autoritaires d’Andréa Martel (Dix pour cent), elle est la thérapeute qu’on aimerait avoir (peut-être pour notre plus grand mal) : drôle, brute, compatissante et fumant des clopes en semblant confondre une séance avec l’apéro. Ne jamais copiner avec sa psy…dit-on. Une chose est sûre, si ce « on » croisait la route de Camille Cottin, il changerait d’avis. E.A.