NOS JOURS SAUVAGES – Vasilis Kekatos
© 2025 Condor Distribution
Sur la route
Présenté lors de la dernière Berlinale, le premier long-métrage du jeune cinéaste Vasilis Kekatos est le portrait d’une jeunesse grecque qui erre entre crise et quête de sens. Nos jours sauvages se rêve en road trip exalté et irrévérencieux, mais tombe à plat.
Dans son court-métrage La Distance entre le ciel et nous (2019), lauréat de la Palme d’or du court-métrage et de la Queer Palm au Festival de Cannes, Vasilis Kekatos mettait en scène deux jeunes hommes se rencontrant dans une station-service perdue. Il reprend, dans Nos jours sauvages, ce motif de la rencontre fortuite dans ce lieu de passage hybride, et propice aux croisements de vies et aux possibilités de départ. Après avoir fui sa famille et son frère violent, Chloé (Daphne Patakia), 20 ans, est sauvée d’un agresseur sur le parking d’une station-service par un groupe de jeunes qui sillonne la Grèce en camping-car. Elle décide alors de partir avec eux, et de participer à leurs activités illégales de redistribution des richesses aux plus précaires.
Pendant tout le film, le cinéaste s’efforce de construire le décor d’une marginalité dont il veut dresser le portrait. Si la station-service marque le départ d’une nouvelle vie choisie, la route en devient l’accomplissement : sans repère géographique précis, le voyage se fait symbole d’une existence hors des carcans établis par le capitalisme. La seule scène qui réunit Chloé avec un membre de sa famille est d’ailleurs dénuée de tout horizon : dans le supermarché éclairé par les néons où elle travaille, sa sœur, enceinte, tente de la convaincre de rentrer à la maison. La dichotomie entre ces deux destins féminins – la domesticité accentuée par la grossesse, face à la liberté incarnée par une jeune femme sans attaches – apparaît malheureusement comme l’enième ressort d’un scénario décousu. Dès les premières minutes, les ambitions du film se dessinent, présentant le parcours initiatique de Chloé comme une épopée à la fois intime et politique. Les intentions, comme les références, apparaissent assez évidentes : on pense à la force sociale d’Easy Rider et au regard féministe de Sans toit ni loi, mais le trait de l’émancipation est ici forcé, et les scènes s’enchaînent comme autant de mini-clips, que les performances pourtant honorables des acteurs ne parviennent pas à sauver.
Le film aurait pu se révéler plus intéressant en creusant la question de l’amitié comme refuge, notamment face à la violence masculine. Qu’il s’agisse de son frère ou d’un inconnu, ce sont les comportements des hommes qui poussent Chloé à fuir et à chercher de nouveaux allié·es. Si la question de la sororité est par exemple abordée, elle reste malheureusement en surface, réduite à quelques moments de connivence teintés de clichés. L’amitié féminine est ici confinée à des lieux communs – la danse, le maquillage – et à une mise en scène qui condamne les personnages féminins à l’artificialité. Kekatos semble en effet plus préoccupé par la création d’images séduisantes que par la profondeur de ses personnages et de leurs relations. La récurrence des dialogues filmés en contre-jour sur la plage, face au soleil couchant, en est la manifestation la plus évidente. À plusieurs reprises au fil du voyage, le groupe rencontre des habitants qui leur délivrent des discours sur la vie, la jeunesse et la mort. Les rayons du soleil saturent l’écran, tandis que des métaphores expéditives dictent les échanges. Le passage à l’âge adulte, qui se voulait sauvage et engagé, se révèle plus démonstratif qu’exaltant.
LOUISE BERTIN
Nos jours sauvages
Réalisé par Vasilis Kekatos
Grèce, Belgique, France, 2025
En rupture avec sa famille, Chloé, 20 ans, est recueillie par un groupe de jeunes itinérants. A bord de leur van, ils sillonnent la Grèce des oubliés, venant en aide aux plus démunis, moyennant des combines pas toujours légales. A leur contact, Chloé expérimente une nouvelle vie, plus libre, plus intense, où tout peut s’arrêter demain.
En salles le 8 octobre 2025.