Cannes 2025 - JEUNES MÈRES – Jean Pierre et Luc Dardenne
© Christine Plenus
Premiers pas
Pour leur nouvelle chronique sociale, les Dardenne nous ouvrent les portes d’une maison maternelle, où cinq adolescentes apprennent à devenir mères. Un film conforme au style des deux frères mais qui malheureusement ne le renouvelle pas.
Membres du club très fermé des cinéastes ayant été distingués par deux fois de la Palme d’Or, grâce à Rosetta (1999) et L’Enfant (2005), les frères Dardenne ont été accueillis en grande pompe sur la Croisette pour Jeunes Mères, dernier film en compétition qui a d’ailleurs remporté le Prix du scénario. Fidèles à ce qui a fait leur succès, les réalisateurs présentent une chronique sociale, mélangeant récit fictionnel et esthétique quasi documentaire, sur une maison maternelle – une idée qu’ils auraient eue en visitant un de ces lieux pour un autre projet de long-métrage. Il est vrai que l’on ressent l’envie d’explorer ces murs, ce qui fait de cette alcôve un endroit sûr pour les jeunes filles qui y séjournent, à l’abri de leurs milieux familiaux hostiles. Pour nous le raconter, les cinéastes suivent un morceau de vie de cinq des occupantes (enfin, plutôt quatre, puisque l’une d’entre elles passe rapidement à la trappe), toutes jeunes mères ou en passe d’accoucher.
Le point de départ du récit offre une piste novatrice : cette fois-ci, il n’est pas question d’aborder la parentalité des adolescentes sous l’angle de la comédie (à la manière de Juno ou de Clem), et d’orienter le débat autour d’un futur avortement (qui souvent n’a jamais lieu, ça ferait mauvais genre). Pour les cinq protagonistes, l’enfant est déjà là ou presque – la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse n’est donc pas à l’ordre du jour. Il s’agit alors d’apprendre à être mère avec tous les gestes que cela implique (donner le bain ou le biberon et rester proche du nourrisson jour et nuit), ou d’accepter de ne pas l’être (en le faisant adopter). La caméra des Dardenne ne rate rien de ces apprentissages et filme chaque acte de manière quasi clinique. Ainsi, sans une once de jugement, elle montre la difficulté que de telles tâches représentent pour ces jeunes filles, le stress qu’elles suscitent mais aussi l’apesanteur sur les corps (que ce soit dans les bras mal assurés d’une fillette berçant son bébé ou dans la démarche empêchée d’une enfant de 14 ans enceinte).
© Christine Plenus
Mais ces jeunes mères n’évoluent pas seules. À l’entraide qui règne dans la maison maternelle s’oppose un monde extérieur bien plus hostile. Si chacune d’entre elles semble avoir une histoire familiale jalonnée par la violence et l’alcoolisme, elles doivent aussi se confronter aux pères, à leur absence, à leur refus. Heureusement (et on pouvait en avoir peur connaissant le travail des Dardenne), le scénario ne se complaît pas tout à fait dans le misérabilisme. Au milieu de ce groupe d’êtres brisés, un couple œuvre pour s’en sortir et une des fillettes parvient à entrer en contact avec sa génitrice, offrant certainement les scènes les plus lumineuses du film.
Malgré ces nombreux points positifs, Jeunes mères reste une œuvre assez inégale, tant dans son rythme qui se perd au fur et à mesure de son heure quarante-cinq, que dans le jeu de ses actrices (dont la plupart font ici leurs premiers pas au cinéma) – des défauts que l’on pouvait déjà trouver dans le précédent film des Dardenne, Tori et Lokita. À trop courir après le réel, les frères préférés du cinéma franco-belge sont-ils en train de s’épuiser ?
ENORA ABRY
Jeunes mères
Réalisé par Jean Pierre et Luc Dardenne
Avec Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaïna Halloy Fokan
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2025
Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.
En salles.