WOLF MAN - Leigh Whannell
© 2025 Universal Studios. All Rights Reserved.
Promenons-nous dans les bois
Le réalisateur et scénariste australien Leigh Whannell poursuit son travail de relecture des Universal Monsters (Dracula, Frankenstein, L’Homme invisible, Le Loup-garou...). Après avoir exploré la masculinité toxique, les violences conjugales et l’emprise dans Invisible Man (2020), il pose avec Wolf Man la question de l’hérédité générationnelle et sociétale de cette masculinité toxique et violente. Moins percutant et fin qu’Invisible Man, le film brille tout de même par son atmosphère inquiétante et son propos passionnant.
Blake Lovell, jeune garçon timide, vit en pleine forêt, coupé du monde, avec son père, homme autoritaire, survivaliste paranoïaque et ancien militaire. Lors de l’une de leurs nombreuses sorties de chasse, les deux hommes sont attaqués par une créature mystérieuse qui traumatise le fils. Une trentaine d'années plus tard, Blake est devenu écrivain, époux et père de famille et vit à San Francisco. C’est l’annonce de la mort de son père qui déclenche un retour aux sources, sur les traces d’une enfance morose et emplie d’un folklore inquiétant. Bientôt la petite famille de Blake sera, elle aussi, attaquée par la mystérieuse créature qui rôde au fond des bois. Whannell fabrique une œuvre fantastique sobre mais aux choix de mise en scène inventifs. Il reste dans les canons classiques du film de genre moderne tout en créant une atmosphère angoissante dotée de jumpscares parcimonieux. Comme dans sa variation sur l’homme invisible, c’est la peur psychologique qui l’intéresse dans la figure du loup-garou. Ainsi, si le film ne se départ pas d’un travail formel abouti, tout comme l’était le plus exigeant Invisible Man, il travaille davantage son fond.
Cette lecture moderne s'éloigne de la figure romantico-gothique proposée par le loup-garou de Lon Chaney dans les années 1940. Ici, notre héros n’est pas un gentleman coiffé d’un borsalino et d’une canne en argent. Il est un jeune garçon durablement marqué par l’éducation conservatrice, psychotique et peu aimante d’un père despotique. Il devient un homme incomplet, sur lequel pèsent les blessures ouvertes d’un passé non résolu. Ce retour sur les terres de sa jeunesse est l’occasion propice au développement d’une étude sur l’idée de figure monstrueuse et sur ce qu’elle sous-tend au sujet de l’homme au fond de la créature. La morsure du loup-garou est inévitable, elle enclenche un processus de métamorphose où Blake devra faire le choix d’embrasser une nature profonde, violente, solitaire et dominatrice ou alors de se libérer de ce carcan masculin toxique et briser la reproduction ici héréditaire de cette « maladie ». La toxicité patriarcale est-elle un virus qui se transmet ? Succombe-t-on à l’animal en soi ?
Tuer le père
Whannell déploie toute une vision autour de la contamination dans les liens familiaux, aussi bien dans les assignations sociétales de genre que dans la création générationnelle d’une masculinité patriarcale normative et douloureuse. Ainsi, il entame une réflexion sur le couple hétérosexuel moderne et la répartition des tâches familiales. Ici, les assignations de genre sont renversées. La compagne et mère, journaliste, impulse l’économie du couple pendant que le père, écrivain au chômage, effectue les tâches dites domestiques, dont l’éducation de leur fille. Espiègle, le film dissémine quelques références à un autre conte fantastique traversé d’adaptations cinématographiques : Le Petit Chaperon rouge de Charles Perrault et des frères Grimm. Évidemment dans son utilisation de la figure du loup, mais aussi par les choix de costumes de la mère et la fille, seuls personnages féminins du récit, vêtues de touches discrètes de rouge et drapées d’une innocence bientôt brisée. À ces liens familiaux, bientôt sanglants et divisés, s’ajoute un lien télépathique mystérieux entre le père et la fille, comme pour réparer la connexion jamais établie entre le jeune Blake et son père. En voulant absolument se prémunir de l’influence paternelle, Blake crée malgré lui un climat trouble, où son rapport ambivalent à la réussite professionnelle de sa compagne et son rôle de père ouvrent des questionnements sur sa propre vision de lui-même en tant qu’homme. En embrassant malgré lui sa nature trop longtemps ignorée, en résistant à la sauvagerie qui dégrade progressivement son enveloppe corporelle, il fait le choix fatal de mettre fin au cercle de la violence. En enterrant le père, en guidant ses êtres chers vers la lumière, en sauvant le jeune homme qu’il a été, il achève sa mue et devient, au clair de lune, l’homme qu’il aurait voulu être.
LISA DURAND
Wolf Man
Réalisé par Leigh Whannell
Avec Christopher Abbott, Julia Garner, Matilda Firth
États-Unis , 2024
Après un évènement traumatisant, Blake quitte San Francisco pour retourner au fin fond de son Oregon natal et vivre dans sa maison d'enfance. C’est l’occasion pour lui de faire une pause loin de la ville et de tenter de sauver son mariage avec son épouse Charlotte en passant quelques jours dans la propriété avec leur fille, Ginger. À la nuit tombée alors que la famille arrive enfin à la ferme, ils sont attaqués par un animal invisible et, dans une fuite effrénée, se barricadent à l'intérieur de la maison pour se protéger de la créature qui rôde dans le périmètre, aux aguets. Mais à mesure que la nuit avance, Blake commence à se comporter de manière étrange...
En salles le 15 janvier 2025