LES FILLES VONT BIEN - Itsaso Arana

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Ce sentiment de l’été

Entre La Princesse au petit pois d’Andersen et les Contes des quatre saisons de Rohmer, la réalisatrice et comédienne Itsaso Arana propose pour sa première réalisation un conte suspendu aux résonances sororales et intimes dans un huis clos théâtral entre femmes.

5 filles, 7 jours, 1 maison. Voilà le programme simple que nous annonce la réalisatrice, scénariste et comédienne espagnole Itsaso Arana (comédienne emblématique du cinéma de Jonas Trueba) pour son premier long-métrage. Simple mais pas simpliste. En une semaine, la primo-réalisatrice façonne un conte champêtre aux inspirations rohmériennes d’une beauté rare. Le générique encré sur du papier raturé donne le ton de ce film essai autour d’une troupe de comédiennes en résidence de théâtre dans la campagne espagnole. Cependant, Les filles vont bien n’est pas vraiment un film sur le théâtre. La proposition filmique d’Arana emprunte certes aux codes du théâtre en huis clos, mais elle les nimbe d’une aura de conte intemporel. Ainsi, on découvre nos cinq héroïnes en ouverture du film en plan fixe, cherchant à franchir le portail de la propriété qui sera leur demeure pour quelques jours. La symbolique du conte n’est jamais bien loin avec ce portail comme entrée vers un royaume oublié. L’utilisation du support de la pièce de théâtre n’est qu’un prétexte pour que les filles puissent prendre le temps de découvrir leur intériorité propre et communiquer leurs questionnements profonds aux autres.

Film solaire, Les filles vont bien diffuse langoureusement son propos sous le soleil écrasant de l’arrière-pays espagnol. Les transitions de montage imprimées sur des tissus en toile de Jouy enrichissent le film d’un léger esprit baroque. Cette demeure en vase clos est le théâtre des échanges des cinq femmes. Cinq personnages bien esquissés aux personnalités riches et à l’écriture inspirée. Arana propose un cinéma de l’intime et du toucher où les cadrages portent autant d'importance au grain de peau des personnages qu’aux paroles libératrices fièrement énoncées. Elle véhicule un sentiment diffus de joie et de sérénité tout au long de son récit. Suspendu dans le temps,celui-cil permet de nombreux échanges intimes entre cette troupe de femmes. Les scènes de répétitions théâtrales et sororales semblent répondre à celles entre sœurs du merveilleux Les Filles du docteur March de Greta Gerwig. Pensées comme une sorte de gynécée, la maison et la propriété qui l’entoure sont de véritables personnages du récit, deviennent les réceptacles des confidences, des joies et des doutes des femmes. Arana dit d’ailleurs de son film « J’ai réalisé que la princesse ne cherchait pas le prince. Elle cherchait le petit pois ». Ce petit pois est le symbole de la remise en question de l’actrice et de la metteuse en scène. Il est aussi synonyme d’une recherche de soi et de la recherche d’une forme d’accomplissement, de réalisation personnelle et professionnelle. Ces filles, ces comédiennes, ces princesses se confrontent à l’inconfort presque thérapeutique de ces thématiques et en sortent soudées et grandies. Les cinq comédiennes, Barbara Lennie, Irene Escolar, Itziar Manero, Helena Ezquerro et la réalisatrice Itsaso Arana sont splendides de justesse dans cette partition subtile et joyeuse. Elles proposent ensemble une expérience de jeux collective, intelligente et sincère.

LISA DURAND

Les filles vont bien

Écrit et réalisé par Itsaso Arana

Avec Bárbara Lennie, Irene Escolar, Itziar Manero, Helena Ezquerro, Itsaso Arana

Espagne, 2023

C’est l’été. Un groupe de jeunes femmes se réunit dans une maison à la campagne pour répéter une pièce de théâtre. À l’abri de la chaleur écrasante, elles partagent leurs savoirs sur l’amitié, le jeu, l’amour, l’abandon et la mort, avec le secret espoir de devenir meilleures.

Sortie en VOD et en DVD le 27 mars.

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